Haruomi Hosono, le pionnier : son œuvre solo
Troisième journée de ce grand guide pour en arriver probablement au chapitre le plus important (la suite est super aussi, ne vous méprenez pas !). Oui, Hosono a collaboré, monté des groupes, produit etc.. Mais je peux vous le garantir, sa carrière solo est peut-être encore plus impressionnante que le reste. Je vais ici vous parler d’albums qui m’ont bouleversé. Des albums qui m’ont même fait douter quant à mon choix de discographie à apporter sur une île déserte. Les Beatles ou Hosono ? Je n’ai pas encore pu répondre à ce dilemme. En solo, Hosono est passé et continue de passer par tous les genres musicaux, tous les sons. Innovateur, créateur, influenceur, autant de superlatifs qui le qualifie. Sa musique ne doit pas rester dans un microcosme d’initiés, elle doit se répandre. Hosono commence sa carrière solo en 1973, à la dissolution du groupe Happy End. Il commence alors son épopée fantastique avec Hosono House qui sort en 1973, let’s go…
Haruomi Hosono, Hosono House, 1973, Bellwood Records, disponible sur les plateformes de streaming
Hosono House… 1er album pour une 1ère grande réussite pour Hosono en solo. Il y a là quelque chose de vraiment spécial. L’album est enregistré dans une maison à Saitama situé à une heure de Tokyo. Une maison de style américain, construite à l’origine pour les familles des troupes américaines stationnées à la base aérienne Johnson pendant les années d’Occupations d’après-guerre. Le son de ce disque est intime, on sent bien la chaleur d’une pièce vivante, la lumière d’un soleil qui se couche et éclaire la fumée de clopes posées sur le cendrier. Les musiciens qui l’accompagnent sont ses complices de toujours de Tin Pan Alley. On passe par tous styles en écoutant la succession de morceaux qui s'enchaînent parfaitement et forment un tout parfait. Hosono House fait partie des disques réédités par Light In The Attic Records donnant une plus grande visibilité à Haruomi Hosono en occident. Un essentiel.
Entre 1975 et 1978, après Hosono House, Haruomi Hosono enregistre trois nouveaux albums dits « tropicaux ». Ces disques montrent la fascination qu’avait Hosono pour la musique exotica née aux États-Unis dans les années 1950 avec des artistes comme Martin Denny ou Arthur Lyman (à écouter). Ces trois albums sont une invitation au voyage, les mélodies sont brillantes et la musique fascinante. C’est parti pour les 3 fantastiques.
Haruomi Hosono, Tropical Dandy, 1975, Panam, Crown
Tropical Dandy est-il le meilleur album de tous les temps ? C’est en tout cas ce que j’ai tendance à penser. J’ai dû écouter cet album plus de 200 fois. Et pourtant, chaque écoute reste particulière et mystérieuse. Hosono est ici toujours accompagné de Tin Pan Alley et de l’incroyable Hiroshi Sato au clavier. Sur cet album, Hosono se charge de : la basse, du mellotron, des voix, du marimba, des guitares (électrique et acoustique), du clavinet, de certaines percussions, des cœurs, de production. Bref, vous avez capté ... La pochette est une parodie du logo de la marque de cigarette Players Navy Cup qui avait également inspiré la pochette d’album A Salty Dog de Procol Harum. On peut voir sur la pochette de Tropical Dandy un bateau en arrière-plan qui est présumé être le Titanic. Fun fact, Haruomi Hosono est le petit-fils de l’unique survivant japonais du Titanic, Masabumi Hosono. Une fois rentré au Japon, ce pauvre Masabumi a été totalement renié et méprisé toute sa vie par le peuple japonais pour avoir quitté le navire et trahi l’esprit du sacrifice du samouraï… Comme je vous envie si vous écoutez cet album pour la première fois …
Harry “The Crown” Hosono, Bon Voyage Co., 1976, Panam
Bon Voyage Co. porte bien son nom, Hosono n’allait pas s'arrêter en si bon chemin. Un an après Tropical Dandy, il revient avec ce petit joyau d’album tropical. Une nouvelle fois accompagné des super copains de sessions. Hosono se fait même le plaisir de chanter en anglais. La musique est toujours aussi bluffante et originale. Bon Voyage !
Harry Hosono And The Yellow Magic Band, Paraiso, 1978, Alfa, disponible sur les plateformes de streaming
Paraiso est le quatrième album studio d’Hosono, le dernier de la triplette tropicale. Hosono explore ici ce que j’ai envie d’appeler de la funk-tropical-fusion, couplée à l’utilisation de synthétiseurs électroniques. Pour la première fois également, il collabore avec Ryuichi Sakamoto et Yukihiro Takahashi. Paraiso, ce sont en fait les prémices de Yellow Magic Orchestra qui couronnera Hosono la même année. 1978, une année effrayante de productivité pour lui qui sort cette année-là : Pacific, Paraiso, Yellow Magic Orchestra (premier album éponyme) et Cochin Moon …
Haruomi Hosono, Cochin Moon, 1978, King Records, disponible sur les plateformes de streaming
On est donc toujours en 1978, deux mois avant les débuts de YMO. Hosono sort Cochin Moon, une BO fictive d’un film de Bollywood, inspirée par son voyage en Inde. L’album a été créé presque entièrement sur des synthétiseurs et des séquenceurs. Cochin Moon est donc un album vraiment étrange qui montre encore un peu plus la curiosité d’Haruomi Hosono à innover et à trouver de nouveaux sons.
Passé 1978, fini les tropiques pour Hosono qui va se tourner vers quelque chose de totalement différent, l’exploration sonore électronique. Parallèlement à sa carrière avec YMO, il continue donc évidemment sa carrière solo et multiplie les projets.
Haruomi Hosono, Philharmony, 1982, Yen Records, disponible sur les plateformes de streaming
Philharmony, c’est le chef-d’œuvre électronique de Hosono. C’est aussi la première sortie sur son label Yen Records, et quelle belle manière de l'inaugurer ! Hosono, au summum de l’inspiration, se fait plaisir dans un tout nouveau studio. Il a une totale liberté d’exploration et un temps de studio illimité. Hosono fait joujou avec les nouveaux synthétiseurs et gadgets dernièrement sorti comme le synthé Prophet 5. La panoplie d’instruments en tout genre sont cités comme “artistes invités” dans les crédits de l’album. Cet album est l’un des plus appréciés de toute sa discographie par ses fans, mais aussi par lui-même.
Haruomi Hosono, Video Game Music, 1984, Yen Records
En 1984, Hosono sort Video Game Music. Je dois l’avouer, je n’ai pas envie d’écouter ce disque en me réveillant le matin, ni en me couchant d’ailleurs. Il a quand même sa place dans ce guide, juste pour se rendre compte de la diversité musicale d’Hosono. Have fun.
Haruomi Hosono, Watering A Flower, 1984, 冬樹社, disponible sur les plateformes de streaming
On est en 1983, le premier supermarché Muji est inauguré à Tokyo. La marque fait alors appel à Haruomi Hosono qui est littéralement en feu de créativité. La marque lui demande de composer une musique d’ambiance à passer dans la boutique. Composé de trois morceaux, seulement sortis sur K7, cet album passait alors et était vendu dans le supermarché. Hosono nous montre ici que tout ce qu’il touche devient de l’or. Cet album est une entrée unique et accessible dans la discographie bizarre d’Hosono. Les K7 originales sont très rares et se vendent actuellement à 300 euros sur Discogs. La magie YouTube a permis à un grand nombre de personnes de découvrir cette pépite.
PS: Regardez les commentaires sur la vidéo YouTube, ils sont parfaits.
Haruomi Hosono, Coincidental Music, 1985, Monad Records, disponible sur les plateformes de streaming
Nouvel album d'ambient, Coincidental Music est une sélection de morceaux composés à l’époque par Hosono pour des installations, des publicités, pour la télévision et même des entreprises. Hosono avait l’air d'être un homme de confiance.
D’environ 1985 au début des années 2000, Hosono continue son exploration sonore et sort des albums d'ambiance-expérimentation. Il sera aussi sollicité pour composer des BO de films. Ces albums méritent d'être écoutés pour tenter de comprendre un peu mieux le personnage qu’est Hosono.
Haruomi Hosono, Paradise View, 1985, Monad Records, disponible sur les plateformes de streaming
Haruomi Hosono, Mercuric Danse, 1985, Monad Records, disponible sur les plateformes de streaming
Haruomi Hosono, The Endless Talking, 1985, Monad Records, disponible sur les plateformes de streaming
Haruomi Hosono, Omni Sight Seing, 1989, Epic, disponible sur les plateformes de streaming
Omni Sight Seing sort en 1989 pendant la première interruption de YMO. Cet album est un véritable tour du monde qui mélange un tas de sonorités de musique du monde. Ces différents styles musicaux ont été découverts par Hosono durant ses voyages d’exploration. Sur ce disque, on passe du swing américain au rai Algérien en passant même par du minyo japonais. Le morceau Laugh-Gas montre qu’Hosono est même capable de faire de l’acide house ... L’album est en partie enregistré à Paris. Mention spéciale pour le morceau Pleocene, pépite de l’album.
À partir des années 2000, Hosono explore des genres plus “classiques” du style folk, world, country, boogie, bossa nova, rock.
Haruomi Hosono & The World Shiness, Flying Saucer 1947, Speedstar, 2007
Haruomi Hosono, Hosonova, 2011, Speedstar, disponible sur les plateformes de streaming
Avec Hosonova, Hosono y est même allé de son album bossa-folk. Une douceur pour les oreilles. Cet album est parfait, du début à la fin et vient tout juste d’être réédité en vinyle ! Une valeur sûre.
Haruomi Hosono, Heavenly Music, 2013, Speedstar, disponible sur les plateformes de streaming
Heavenly Music, comme son nom l’indique, est encore un grand album, uniquement composé de reprises.
Haruomi Hosono, Hochono House, Speedstar, disponible sur les plateformes de streaming
En 2019, Hosono, 72 ans, décide de réenregistrer son tout premier album Hosono House avec des sonorités uniquement électroniques. Il y utilise des sons qu’il ne pratiquait alors pas encore en 1973, visionnaire, mais tout de même ! L’album, intitulé Hochono House montre à quel point sa musique n’est pas figée dans le temps et peut se remodeler de façon extraordinaire grâce aux nouvelles possibilités électroniques et instrumentales de notre temps (et sa connaissance flippante de la musique). Il enregistre l’album dans le sens inverse de l’album initial. Une perfection.
Bonus
Swing Slow (Miharu Koshi & Haruomi Hosono), Swing Slow, 1996, Mercury
Je vous parlais hier de l’album Tutu de Miharu Koshi. Swing Slow est une nouvelle collaboration, sous un autre nom, entre Miharu Koshi et Hosono. Rien à jeter.
Harry Hosono & Tin Pan Alley, A Night In Chinatown Live, 1976
Petit cadeau d’internet. A Night in Chinatown est un album live de Hosono avec Tin Pan Alley. Il y interprète ses morceaux de la période tropicale. Quelques vidéos de ce live existent sur YouTube sous fond de décors Hawaïen... Le Japon en 1976, ça avait l’air cool.
Je pense que c'est assez clair, Haruomi Hosono a donc marqué de son empreinte et de son talent la musique japonaise pour toujours. Sa discographie couvre plus de quatre décennies et la diversité de ses productions sonores est rare. Aujourd’hui, de nombreux artistes tels que Devendra Banhart ou Mac Demarco (entre autres) sont fascinés et inspirés par sa musique ... Je n'ai ici pas pu parler de tous ces albums, pour les plus curieux d'entre vous, d'autres disques se trouvent sur YouTube et les plateformes de streaming. Si Jamais vous désirez trouver ces albums en vinyles, ça se passe ici, sur le site du disquaire Balades Sonores. Domo Arigato Mister Hosono.
On se retrouve demain pour parler d'une autre légende de la musique japonaise, Hiroshi Sato !