Les irrésistibles muses des grands noms de la musique
Chapitre 5 : Pamela Courson, dans l’ombre de Jim Morrison
Tout le monde connait le leader emblématique des Doors, Jim Morrison. Beaucoup moins connaissent la jeune femme qui a partagé sa vie pendant plus de huit ans, jusqu’à sa mort prématuré. Pourtant, Jim et Pam étaient deux véritables âmes sœurs, au destin aussi tragique que sublime.
Pamela Courson est née fin 1946 en Californie. Elle grandit dans un climat artistique avec des parents passionnés par l’art. Jeune fille timide, plutôt solitaire, elle est néanmoins très intelligente. L’école n’est pourtant pas son fort et ses parents sont convoqués à de multiples reprises à cause de ses absences injustifiées. À seize ans, elle décide de partir de la ville de Weed où elle a grandi, pour Los Angeles. Elle poursuit alors des études d’art au Los Angeles City College.
À l’âge de dix-neuf ans, Pamela se rend dans un club nommé le London Fog. Un petit groupe joue ce soir-là : ils se nomment les Doors. Pam, jolie rousse aux grands yeux bleus, attire alors l’attention du batteur du groupe, John Densmore à qui elle ne prête pas vraiment attention. C’est alors que se présente à elle un autre membre du groupe, le chanteur cette fois. Il a trois ans de plus qu’elle et elle l’a déjà croisé lors d’une soirée organisée par son université. Ce Jim Morrison, car c’est son nom, n’y va pas par quatre chemins : elle lui plait et il veut apprendre à la connaître.
Peu à peu, Pamela se laisse séduire par ce jeune homme au visage d’ange, à l’intelligence foudroyante et brillant poète qui plus est. Commence alors entre eux une relation qui s’avère intense et passionnée. Les deux êtres se comprennent, se ressemblent et évoluent ensemble dans l’esprit hippie des États-Unis de la fin des années soixante. Une vie de sexe, drogues et rock’n’roll s’offre à eux.
Pourtant, si Jim est fou amoureux, il n’en reste pas moins volage. Incapable de se contenter d’une seule femme, il papillonne de conquêtes en conquêtes, ce qui déplait profondément à Pamela. Alors, elle commence, elle aussi, à aller voir ailleurs, sans doute pour susciter un semblant de réaction de la part de Jim. Leurs nombreuses infidélités répétées les poussent parfois à de violentes disputes, mais l’amour finit toujours par les réunir.
Nous sommes en 1968. Les Doors ont trois albums à leur actif et connaissent un certain succès. Jim et Pamela concrétisent un peu plus leur relation en aménageant ensemble à Los Angeles. Jim écrit Love Street, de l’album Waiting for the Sun, en référence à leur cocon d’amour. Ce n’est pas la première fois qu’il lui dédie une chanson. Dans leur premier album, The Doors, il avait écrit Twentieth Century Fox. La chanson parle en effet d’une jeune femme séduisante et élégante, qualités qui rappellent celles de la gracieuse Pamela. Son goût est d’ailleurs si sûr qu’elle tiendra brièvement une boutique de vêtements, Themis, que Jim lui achète en 1969. Elle commence à se rêver en Mrs Morrison, ambition qui ne la quittera jamais.
Et pourtant, passion rime souvent avec autodestruction et leur couple n’échappe pas à la règle. Chacun entraîne l’autre dans une prise toujours plus grandissante de drogues. Pam va même jusqu’à dépasser son amant, pourtant rodé à ce genre de pratiques, en s’essayant à l’héroïne dès 1969. Jim ne la suit pas, ayant une peur phobique des aiguilles.
Malgré tout, Pamela joue son rôle dans le processus créatif de Jim. En plus de lui inspirer de nombreux textes, elle l’encourage à écrire plus de poésie, la véritable vocation du Lizard King. Des rumeurs racontent même que Pamela se serait portée volontaire pour pratiquer une fellation à Jim lors de l’enregistrement de You’re Lost Little Girl, sur l’album Strange Days. Apparemment, cela aurait aidé Jim à poser sa voix. Cette version sulfureuse de la chanson n’est pas retenue pour figurer sur l’album, mais Pamela aura pu se targuer d’être investie dans la carrière de son amant !
Jim est de plus en plus lassé de son groupe où il ne s’épanouit plus. Pamela lui conseille de partir, de se consacrer entièrement à sa vocation de poète. Elle lui fait même rencontrer, par l’intermédiaire de sa sœur, le grand poète américain Michael McClure. Jim publie The Lords, and The New Creatures, son premier recueil de poésie en 1970. Sa santé mentale est pourtant au plus bas, il boit de plus en plus, est miné par un procès pour « outrages aux bonnes mœurs » (Ivre, il a insulté son public lors d’un concert à Miami), mais surtout entretient une relation assez sérieuse avec la journaliste Patricia Kennealy. Cette aventure, il la cache à Pamela, au moment où cette dernière est la plus présente pour lui. À bout, elle le supplie d’aller voir un psychiatre : il n’assistera qu’à une séance.
Comme si cela ne suffisait pas, la scène du rock voit disparaître en l’espace de quelques mois trois de ses membres les plus illustres : Brian Jones en juillet 1969, Jimi Hendrix en septembre 1970 et Janis Joplin en octobre de la même année. Jim en est très affecté et, amer, il trinque avec ses amis en disant : « Vous êtes en train de boire avec le Numéro 4 ! »
Deux nouveaux albums voient quand même le jour pour les Doors entre 1970 et 1971. Dans Morrison Hotel, Jim ne manque pas de consacrer une chanson à Pamela : Highway Queen. Les critiques étant élogieuses, il sent alors qu’il remonte la pente. Il décide de rejoindre Pamela à Paris au printemps 1971. Il veut aller mieux et diminuer la drogue et l’alcool qui le poussent dans ses pires retranchements.
Pourtant, à l’été, tout dérape. Jim est retrouvé mort par Pamela dans leur appartement parisien. Les véritables circonstances de sa mort sont encore aujourd’hui mystérieuses : certains diront que Jean de Breteuil, amant de Pamela, lui aurait volontairement fourni une héroïne beaucoup trop forte, d’autres que Jim aurait pris délibérément de l’héroïne pure pour mettre fin à ses jours. La version officielle reste la crise cardiaque.
Pamela, dévastée, rentre aux États-Unis. Jim en avait faite son héritière dès 1968. Elle coupe les ponts avec les autres membres de Doors, et s’enferme dans sa solitude. Pour oublier la perte de Jim et le traumatisme d’avoir trouvé corps sans vie, elle sombre un peu plus chaque jour dans la drogue. Elle meurt en 1974, peu de temps après avoir prédit à des amis qu’elle rejoindra très vite Jim. Âgée de vingt-sept ans, elle rentre à son tour de façon indirecte dans le club des 27, dont son amant avait été effectivement le numéro 4...
Ses parents, conscients de l’amour inconditionnel qu’elle vouait à Jim, souhaite la faire enterrer à ses côtés, à Paris. Le transfert du corps est pourtant trop compliqué, et elle est incinérée en Californie. Sa sépulture porte le nom de Pamela Susan Morrison. Elle qui aura souhaité toute sa vie devenir l’épouse légitime de Jim, elle ne portera son nom que dans la mort, et à des milliers de kilomètres de lui.