"Indie is dead! Long live hip-hop...!" De l'indie landfill à l'urban landfill : un état des lieux de la musique actuelle
Alors que les problématiques de développement durable sont au coeur des débats contemporains, le monde de la musique actuelle s’inquiète face à l’ampleur de l'urban landfill, littéralement la "montagne de déchets” (que serait la musique urbaine), qui étoufferait tous les autres genres musicaux… une référence à l'indie landfill des années 2000
Chapitre 1/4 : la mort de l’indie ?
Il fût un temps où n’importe qui pouvait reconnaître What You Know du groupe irlandais Two Door Cinema Club, sans jamais pouvoir donner ni le nom du groupe, ni le titre de la chanson. Certes, la chanson était devenue connue en France après son passage dans une publicité d’Euro Millions, mais sa popularité s’inscrit surtout dans une période où la musique indie (indé) est devenue mainstream, tendance. Andrew Harrison, au milieu des années 2000, décrit ce phénomène dans le magazine The World comme un indie landfill, littéralement une déchetterie de musique indie.
Le terme indie veut tout et rien dire en soi : né dans les années 1980, ce genre regroupe tellement d’autres sous-genres différents qu’il est plus un parapluie abritant de nombreuses caractéristiques qu’un genre musical à proprement parler. La musique indie, qui vient du mot indépendant, désigne à l’origine les chansons produites à l’époque par des labels de musique indépendants, à petit budget, avec un ethos très DIY (Do It Yourself), dans un univers plutôt post-punk américain. De nos jours, quand on parle de musique indie, on se réfère davantage au style de musique plutôt qu’au statut des labels.
Indie pop, indie rock, indie folk… le terme indie est très vite devenu un adjectif accompagnant des genres musicaux bien établis. Nombreux sont les groupes qui émergent sur la scène indépendante : The Strokes, R.E.M., Joy Division, Arcade Fire, Arctic Monkeys, Pavement, Sonic Youth, Soundgarden, Nirvana… des noms qui claquent ! En 2006, les Monkeys sortent leur premier album Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not via le label britannique indépendant Domino Recording Co. qui devient le premier album à s’être vendu le plus rapidement dans toute l’histoire des groupes de musique, avec 360 000 copies en seulement une semaine. A la très grande surprise de tous, les années qui suivent sont marquées par les maisons de disque qui s’arrachent des contrats avec des jeunes rockeurs de 17 ans, dans l’espoir que ces derniers se révèleront être des futurs Alex Turner.
Mais même si le clip de Do I Wanna Know? des Arctic Monkeys a dépassé le milliard de vues sur YouTube, la chanson reste peut-être l’une des seules dans la catégorie indie à encore séduire la nouvelle génération. En 2012, le journal britannique The Guardian parle d’“une mort lente et douloureuse” de l’indie rock, article controversé pour la représentation imprécise de ce qu’est l’indie rock dans leur article : le journaliste faisait référence à des groupes comme Kaiser Chiefs et Razorlight, nullement représentatifs de la myriade de groupes de rock indépendant des années 2010.
Au début des années 2010, la musique indie vivait encore et vivait bien. La preuve, même des artistes pop et hip-hop faisaient des collaborations avec des groupes indie : Jay-Z apparaissait de temps en temps lors de concerts de groupes indés, notamment en 2009 avec les Grizzly Bear, accompagné de Beyoncé. Il était présent à d’autres concerts par la suite, comme celui du duo dream pop de Baltimore Beach House, ou même Coldplay (à l’époque où ils venaient de sortir leur album Mylo Xyloto). Mais ce n’est pas tant les pop-up réguliers d’artistes mainstream lors de concerts indie qui définissent la popularité du genre : de nombreux groupes gagnent rapidement en notoriété dans les années 2010, parmi lesquels on peut citer Tame Impala, Mac Demarco, Vampire Weekend et St Vincent.
Alors qu’au début des années 2000 et jusqu’au milieu des années 2010, le Royaume-Uni et les Etats-Unis se voient envahir par cette vague de groupes de musique symbolisés par des jeunes hommes blancs ringards en T-shirt, jean, Converse et des riffs clairs sur des Mustang, un autre phénomène est en train de se produire : l’invasion de la scène musicale avec de la musique “urbaine”, lourdement associée à la musique afro-américaine, allant du hip hop et R&B à la soul.
Et en parlant de musique urbaine, celle-ci comprend également du reggaeton et les fameuses chansons latino-américaines qu’on a tous déjà entendu à la radio. Les étés qui suivent celui où le hit mondial Despacito a explosé peuvent être résumés ainsi : progression d’accords basiques à la guitare, petit rap auto-tuné en español, tout ça accompagné d’un cocktail frais (mojito ou piña colada ?) sur la plage et des percussions classiques latino.
Ces dernières années sont marquées par un déclin flagrant des chansons centrées sur la guitare au profit des chansons EDM, pop ou rap. Rares sont les chansons dans le Top 50 global sur Spotify qui comprennent même une partie de guitare électrique, à moins qu'il s'agisse de quelques accords funky sur des sons de Dua Lipa. Pire encore, rares sont les soirées animées par de l’indé ! Et si vous entendez encore Kids de MGMT jouer en soirée, alors c’est que vous allez au Supersonic pour leurs soirées thématiques dansantes : il n’y a pas autrement !
Peut-on vraiment affirmer que la musique indie est morte ? Difficile à dire ! Et vous, vous en pensez quoi ?
En attendant, on se régale avec le tout premier EP de Cosse, magnifique groupe post-noise français qui représente bien la French indie !
Cet article est le premier dans une série de quatre articles. Le suivant portera sur la musique urbaine et comment celle-ci se serait rapidement propagée à la fin des années 2010 dans le monde de la musique actuelle. Restez attentifs aux nouvelles publications !