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Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent 

écrit par Paul Cailly le jeudi 2 novembre 2023

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Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent 

Comment parler du lien à la musique de Warhol sans aborder le cas du Velvet Underground, selon certains observateurs le groupe le plus influent du XX° siècle qui par leur premier album a préfiguré avec dix ans d’avance le mouvement punk rock. Il nous faut donc naturellement faire une incartade ici. 

Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent 

De gauche à droite, Nico, Andy Warhol, Maureen Tucker, Lou Reed, Sterling Morrison, John Cale, 1965


John Cale vient du pays de Galles, d’une région pauvre et minière. Durant sa petite enfance, il révèle rapidement des aptitudes musicales poussées, ce qui lui permet de décrocher une bourse afin d’aller étudier la composition expérimentale aux Etats-Unis, auprès de maîtres comme John Cage ou LaMonte Young. 

Ce-dit Cale, vivotant à New York, rencontre Lewis Reed, dit Lou, jeune auteur compositeur vivotant lui aussi en proposant des copies de tubes de l’époque pour le compte d’une petite maison de disque du nom de Pickwick Records, créateur également d’un micro-tube, The Ostrich. Un collectif se forme rapidement, nommé The Warlocks puis rapidement The Velvet  Underground, en référence au titre d’un ouvrage traitant de sado-masochisme que possède Reed. Rejoint par Sterling Morrison à la guitare et par Maureen Tucker à la batterie, le groupe commence à jouer dans les clubs new-yorkais. 

Alors en pleine période « films » (Warhol a abandonné la peinture vers 1964 pour uniquement se consacrer au cinéma underground, mais il y reviendra rapidement), Andy cherche un nouveau moyen d’affirmer son avant-gardisme et son pluralisme alors que c’est l’assistant-réalisateur de la Factory Paul Morrissey (créateur de la fameuse trilogie Trash, Flesh et Heat, produite par Warhol) qui découvre le Velvet Underground alors qu’ils se produisent au Café Bizarre.

Andy Warhol les rencontre par son entremise et est fasciné par ce rock sans concession, violent et avant-gardiste, où la batteuse joue debout une musique puant le sexe dépravé urbain et les amphétamines, où la voix nasillarde de Reed et le violon discordant et monocorde de Cale rythment des paroles mettant en valeur la drogue dure et le deal, les fêtes sans lendemain et où même les douces balades se retrouvent empreintes d’une toxicité malsaine. 

Naturellement, Andy adore ça et les invite aussitôt à la Factory. Lou Reed se fond immédiatement dans ce nouvel univers, lui correspondant parfaitement, les autres sont plus réservés. Le Velvet Underground sera la tête d’affiche du nouveau show multimédia de Warhol, l’« Exploding Plastic Inevitable », où théâtre, danse, musique avant-gardiste et projection de films expérimentaux s’entremêlent pour un résultat à la limite du saisissable.  Également, Andy adjoint au V.U. une de ses superstars, la top-model Nico, contre l’avis de Reed et Cale (ne les empêchant pas de tomber éperdument amoureux d’elle). Selon l’artiste, il faut de quoi attirer le regard de l’auditeur, et quoi de mieux qu’un grand modèle allemand, blonde et froide comme la glace, chantant d’une voix indescriptible les mots doux et venimeux concédés par Reed et Cale de Femme Fatale, I’ll Be Your Mirror et All Tomorrow  Parties

Le Velvet Underground, dans cette compositon, enregistre donc son premier album, officiellement produit par Warhol lui-même, officieusement par Tom Wilson, Andy n’y connaissant vraiment rien et se contentant de fournir les 1500 $ nécessaires à l’enregistrement, de passer quelques fois la tête en studio et surtout de fournir la publicité, son aura et la pochette, iconique. 

Tout le monde a déjà forcément aperçu cette œuvre, fruitée et phallique au possible, cette banane détachable à la colle réputée assaisonnée d’acide. Cet artwork fait partie de ses travaux les plus connus, et ce fruit sera souvent associé à l’univers de Warhol, Jean-Michel Basquiat allant même jusqu’à le représenter sous cette forme en 1984. Il est également moins connu que Warhol se soit occupé de la pochette de leur second cru, White Light/ White Heat (1968), d’après une photographie de son assistant Billy Name…  

Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent 
Andy Warhol, Pochettes de The Velvet Underground & Nico & White Light/ White Heat 

Warhol’n’rock - Épisode 2 - Le Velvet Underground, une lubie passagère à l’impact sans précédent 
Jean Michel Basquiat, Andy Warhol as a banana, 1984 

Le résultat est fondateur, comme on peut l’attendre, et façonnera bien des carrières et des vocations. Il n’est pas aisé de décrire ces chansons, alors je peux seulement vous inviter à découvrir cet album, si ce n’est pas déjà fait. La consommation de drogues en pleine expansion de Lou Reed le rend parano et celui-ci vire tour à tour Nico, Warhol et même John Cale.  Engageant un jeune prodige du nom de Doug Yule pour le remplacer, le Velvet Underground prend une direction moins expérimentale et plus pop, personnifiée par The Velvet Underground (1969) et Loaded (1970) tout en restant absolument vénéneux et excellent.  Néanmoins, les deux albums réalisés sous « l’égide » de Warhol restent quintessentiels. 

Brian Eno, le célèbre magicien ambiant et ex-traficoteur de Roxy Music, aurait déclaré que seulement mille personnes auraient acheté The Velvet Underground And Nico à sa sortie initale, mais que ces mille personnes auraient toutes formé un groupe. Par la violence des concepts et du son, on peut sans conteste dire que le premier V.U. est le premier manifeste punk, Lou Reed (et plus discrètement John Cale) étant même plus tard considéré comme l’un des parrains de ce mouvement, aux côtés d’Iggy Pop et de David Bowie. 

Il est très intéressant de constater l’impact culturel de ce premier album, sur des artistes comme Bryan Ferry (son ambiton avec Roxy Music fut de créer le Velvet anglais), Etienne Daho, Paz Smith ou les Stooges (dont John Cale produira leurs premiers albums à tous deux, respectivement Horses en 1975 et The Stooges en 1969, le leader Iggy Pop aura même une  liaison avec Nico). 

Donc, Warhol, pré-inventeur du punk ? Peut-être…

Paul Cailly
écrit le jeudi 2 novembre 2023 par

Paul Cailly

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le jeudi 2 novembre 2023

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