Le grand retour de Placebo
Les adeptes du rock alternatif ont de quoi être comblés. Les Britanniques Brian Molko et Stefan Olsdal font enfin leur comeback après neuf ans d’absence. La sortie de Beautiful James fin 2021 avait déjà de quoi attiser l’auditoire : morceau précurseur de leur huitième album, il vient tout juste d’être dévoilé au grand public fin mars. Une belle manière de célébrer leurs vingt-cinq ans de carrière avec treize morceaux qui marient parfaitement sonorités électro, rock paroxysmique, sans oublier la signature vocale envoutante si singulière de Brian Molko. Never let me go s’annonce apocalyptique, comme un cri du cœur pour un monde brisé, sujet terriblement actuel qu’il n’est plus question d’éviter. L’effet placebo est immédiat : soigner le mal au travers de paroles poignantes et engagées ; ils nous avaient manqués…
Après plusieurs années loin de la scène, la réapparition de Placebo avec leur tout nouvel album ne peut que raviver nos souvenirs du groupe à ses débuts. C’est en 1994 que Brian Molko et Stefan Osdal font naitre la bande, rejoint ensuite par trois batteurs qui se succèdent Robert Schultzberg, Steve Hewitt, puis Steve Forrest jusqu'en 2015. Ils s’affirment avec une identité à l’origine plutôt punk rock que l’on retrouve particulièrement dans leur premier album éponyme. C’est notamment avec l’un de leurs plus gros succès Nancy Boy, provocateur et déjà annonciateur du ton de Placebo, que l’on découvre le personnage androgyne et charismatique exhibé par le chanteur Brian Molko. Portés par une reconnaissance internationale, leur style musical évolue dans les quelques sept autres opus de leur discographie. Beau cocktail alliant rock alternatif, pop, métal et électro : ils jouent sur tous les tableaux ! Without you I’m nothing, leur second album sorti en 1998, offre une atmosphère plutôt sombre sonorisée par des guitares vibrantes et un Steve Hewitt puissant à la batterie comme dans le morceau Pure Morning, qui lance les festivités. Rythme plus frénétique et riffs percutants, Every you every me reste un titre incontournable. Éternels insatisfaits et toujours en quête de nouveauté, il n’est pas anodin pour le groupe de reprendre des grands classiques tels que Where is my mind des Pixies, John and Mary de Robert Palmer ou encore I feel you de Depeche Mode, plutôt exaltant…
Pourtant Placebo eut bien du mal à convaincre le grand public avec Loud like love, leur dernier projet en date de 2013 jugé peut-être trop sage et réfléchi. Mais il semblerait que leurs mots prennent de plus en plus de sens visant une société plus marquée par la violence, l’intolérance, la prolifération des réseaux sociaux… comme dans le morceau Too many friends qui prévient l’humanité du danger des nouvelles technologies.
Voilà que nait Never let me go neuf ans plus tard. Le chanteur et leader affirmait dans une interview récente qu’il était indispensable pour eux de retrouver l’essence même d’un groupe de musique, la quête du renouveau, créer de manière sensée et se nourrir de ses créations pour ne pas tomber dans l’indigence. Indigence rimant avec renaissance, c’est peut-être l’album qui pourrait réparer tous les différents entre un public insatiable quant à Loud Like Love et un duo à la recherche d’authenticité marquée par son temps. Maturité, détermination et incertitude d’un monde abimé par la société sont les grands thèmes abordés dans Never let me go.
Quoi de mieux qu’une ouverture qui claque avec Forever Chemicals qui met toutes les chances de son côté pour raviver la nostalgie des années 90. Des airs de Pure Morning remasterisé avec en fond des guitares déchirantes, batterie métallique et encore et toujours des riffs à n’en plus finir ; cela annonce la couleur. Les titres s’enchainent : un Beautiful James mystérieux que le chanteur nous laisse interpréter ; un hommage poignant à David Bowie parti trop tôt, signé dans Happy Birthday in the sky, probablement l’un des plus beaux morceaux de ce nouvel album ; ou encore un Sad white reggae comblé par une mélodie électronique addictive. Tous autant remarquables musicalement que poétiquement, The Prodigal nous transporte avec ses violons tandis que Surrounded by spies nous hypnotise face à un monde qui pourrait se révéler dystopique dans les années à venir. En bref, 13 titres à consommer sans modération. Les avis divergent sur ce huitième opus mais cela reste indéniable, Placebo signe magnifiquement bien son retour sur scène et ne cesse de nous surprendre. Tournée mondiale entamée avec un premier concert donné au MK Stadium en Angleterre, le groupe offrira trois dates au public français les 10,11 et 13 novembre prochain dont une à l’Accor Arena de Paris. L’occasion de savourer à nouveau des performances live exclusives entremêlant grands classiques et nouvelles compositions. Une belle manière de fêter leur presque trente ans carrière ! Placebo we will never let you go.