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Rap et reprises peuvent-ils toujours faire bon ménage ?​​​​​​​

écrit par Guillaume Ferrand le jeudi 13 juin 2024

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Rap et reprises peuvent-ils toujours faire bon ménage ?

 

Il y a quelques semaines, je suis tombé sur cette (belle) reprise de Gazo par McSolaar :

Rap et reprises peuvent-ils toujours faire bon ménage ?​​​​​​​

Fanzine : MC Solaar reprend Gainsbourg, Gazo et un de ses titres avec Waxx & C.Cole 

Au-delà du fait que, sans connaître la chanson originale, j’ai trouvé cette version plutôt cool, il y a une chose qui m’a frappé : pourquoi est-ce que c’est MC Solaar, un vieux de la vieille, qui doit reprendre du Gazo et pourquoi pas l’inverse (du moins pas à ma connaissance) ?

Mais aussi, et surtout : rap et reprises peuvent-ils toujours faire bon ménage ?

Vieilles recettes et easy money

Un chanteur ou groupe rock/pop qui fait une reprise d’un autre chanteur ou groupe rock/pop, c’est monnaie courante ; les reprises dépassent même parfois les originales. Bref, ça on le sait déjà.

Un rappeur qui “feat” avec un autre rappeur, c’est la base.

On a déjà vu et entendu, pour le meilleur comme pour le pire, le rap s’acoquiner avec la pop ou la variété (Sinik feat. James Blunt, Patrick Bruel feat. La Fouine, Johnny Halliday feat. Ministère A.M.E.R, Christine and the Queens feat. Booba, Jay-Z et Linkin Park ou encore l’indémodable duo Eminem/Dido, etc.).

On a vu aussi des rappeurs reprendre - ou du moins sampler, recycler, ou dit de manière juridiquement correcte : “interpoler”, c’est-à-dire “rejouer des éléments du morceau de base, sans les reprendre directement” - des vieux titres de variété, que ce soit en mode tube d’été “bon délire” (et easy money) :

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Jul - Folie // Clip Officiel // 📀👽💿 2020 (un habitué de l’exercice…)

Gradur - Ne reviens pas ft. Heuss L'enfoiré (Clip officiel)

Yannick - Ces soirées-là (2000) (Clip officiel) (à l’ancienne) 

Ou sous forme d’hommage un peu plus appuyé : 

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BOOBA - Pitbull 

Soolking - Dalida [Clip Officiel] Prod by Diias 

stomy bugsy , arsenik - secteur a on ira tous au paradis (à l’ancienne) 

Le rap s’est d'ailleurs construit sur l’art du sample, ce n’est donc pas intrinsèquement une musique renfermée sur elle-même. CQFD.

Pour autant, la liste des exemples ci-dessus le montre bien : si le rap s’est décomplexé, n’hésitant plus à casser ses codes, il ne le fait toutefois qu’en partie - le temps d’un refrain ou de quelques lignes mélodiques, non sans avoir recours à une certaine facilité en recyclant de vieux tubes d’antan.

Pourtant, si un rappeur, en l'occurrence Hatik, a osé s’attaquer à un morceau rap pré-existant, en l'occurrence Angela du Saäin Supa Crew (Hatik - Angela), il n’en déroge pas moins aux points listés ci-dessus : reprise d’un vieux tube sur une seule ligne de refrain avec, de surcroît, des prises de liberté évidentes en ce qui concerne les paroles.

Mais alors pourquoi diable la reprise de rappeur à rappeur semble être un sujet aussi tabou dans le monde du rap ? Pourquoi le rap est-il si peu enclin à piocher dans son propre répertoire ?

Egotrip, punchline et clash ; what else ?

Le rap n’arrive pas à se défaire d'un cliché : l’egotrip, la punchline et le clash avant tout. Si tu veux peser dans le game, écris tes propres textes, fais tes propres freestyles, bref, fais-toi tout seul, et tu obtiendras la street cred. Autrement dit, l’auteur d’un morceau doit en être son interprète et inversement ; c’est là l’une des différences essentielles avec le rock, la pop ou la variété. Pas de place à la sous-traitance dans le rap. L’artisan, l’artiste, la tête pensante reste le maître d'œuvre du projet.

Et puis le rap, c’est du texte ET du flow. L’un ne va pas sans l’autre. Sans ça, le rap (et le rappeur) n’a pas de raison d’être. Le texte est pensé en fonction du flow du rappeur, et le flow est pensé en fonction du texte. Le rap n’est pas une musique de solfège ou de conservatoire ; c’est une affaire personnelle.

Un rappeur ne peut donc pas se baser sur le flow d’un autre ou le texte d’un autre. C’est organique et c’est aussi, et surtout, encore une fois, une affaire personnelle. Le flow d’un autre sur le texte d’un autre, c’est s’approprier l’intimité d’un autre, se renier et renier avec soi toutes les valeurs du rap. Seules les Brigitte en leur temps avaient osé en se réappropriant Ma Benz, mais ce ne sont pas des rappeuses alors est-ce que ça compte vraiment ?...

Le sample oui, le clin d'œil, l’hommage, la référence voire le petit délire oui, mais la reprise… on verra plus tard.

Et si plus tard, c’était dans pas si longtemps ?

Car la société évolue, les traditions et les tabous évoluent, et le rap aussi, il évolue, se réinvente, ses frontières se font plus poreuses et depuis quelques années déjà, il s’est imposé comme la nouvelle chanson française dans la société. De quoi laisser présager le voir s’auto-alimenter et s’auto-répertorier d’ici quelques années ?

Peut-être que l’on verra bientôt des rappeurs chanter d’autres rappeurs ailleurs que dans l’émission Fanzine ? Car Solaar qui y chante Gainsbourg Gazo ou encore Oxmo qui y chante Aznavour ou Koba LaD c’est sympa, mais les anciens n'ont plus rien à prouver, ont obtenu depuis longtemps le permis de s’amuser et s’émanciper, mais à quand l’inverse ? A quand pour de vrai ?

Moi j’aimerais bien voir une reprise de MC Solaar sur un album de Ninho. Pas vous ?





 
Guillaume Ferrand
écrit le jeudi 13 juin 2024 par

Guillaume Ferrand

Rédacteur chez Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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