Bongeziwe Mabandla, histoire d'un envoûtement
J’étais au concert de Bongeziwe Mabandla à Paris le 7 mars dernier ! C’est peut-être une anecdote insignifiante pour vous, mais pour moi c’est un évènement. Moi et la petite centaine de spectateurs présents ce soir-là, c’est comme si on avait partagé un moment d’intimité ; un moment suspendu qui, qui-sait, fera de nous des avant-gardistes, des précurseurs. Nous, on était là quand tout a commencé. Il faut que je vous raconte comment j’en suis arrivé là.
Chronique d’une découverte
Je me souviens qu’un jour de confinement (la belle époque), alors que mon algorithme Spotify faisait sa vie d’algorithme en enchaînant les titres plus ou moins similaires que j’écoutais d’une oreille plus ou moins attentive, j’ai soudainement marqué un coup d’arrêt : “qu’est ce que je viens d’entendre, ça avait l’air sympa. Replay pour voir. Tiens ouais, c’est vraiment sympa. C’est qui le gars ? Ok, checkons davantage. Ok j’aime bien !”
Et je me souviens qu’un jour, alors que j’avais inséré le fameux titre dans une playlist que j’avais laissé faire sa vie de playlist en fond sonore, c’est ma meuf qui, au moment où le titre en question venait de passer, s’était dit “attends remets ce qu’on vient d’entendre, c’était sympa. C’est qui le gars ? Ok j’aime bien !”
Ce fameux titre, c’est Ndokulandela de Bongeziwe Mabandla, présent sur son deuxième album Mangaliso.
C’est d’ailleurs possiblement de là que vient une partie de l’effet waouh provoqué alors : un chant dans une langue aussi incompréhensible que le blaze du gars est imprononçable. A l’époque il venait de sortir son troisième album IImini, et inutile de vous dire que ça a été une révélation. Un peu de baume au cœur en cette merveilleuse année 2020. A tel point qu’il a fait partie de la bande son conçue spécialement pour l’accouchement de ma chère et tendre. Une claque tout autant qu’une caresse.
Depuis, c’est bien simple, on est fans ! Imaginez-vous, on avait même fait 3h de route exprès pour aller le voir en café-concert à Besançon, là où tout le monde était juste venu profiter du printemps pour boire un coup en calculant à peine le mec invité à faire une petite ambiance musicale sur la terrasse.
Mais alors c’est qui, c’est quoi, au juste Bongeziwe Mabandla ? Si Libération le décrit comme “un amour venu du Sud”, pour ma part, j’opterais plutôt pour les termes d’”enchanteur” ou “envoûteur” tant sa musique tient désormais une place particulière dans mon cœur de mélomane.
Prolongeant la lignée musicale qui a vu le jour en Afrique du Sud depuis la fin de l’Apartheid, faisant du pays une place forte des nouvelles tendances (l’une des dernières en date étant l’amapiano), Mabandla ne déroge pas à la tradition des chansons narratives, qu’elles soient en anglais ou en langues et dialectes d’étnhies locales, la grande majorité de ses chansons étant en xhosa, la deuxième langue la plus parlée du pays après le zoulou.
Et côté musical, Mabandla n’hésite pas non plus à mélanger les genres, flirtant tout aussi bien avec l’acoustique de la folk, le charmeur de la soul, le catchy de la pop et le synthétique de l’électro - on l’a par exemple vu récemment sur une collab avec le duo house Synapson -, ou encore avec des rappeurs du cru comme sur ses premiers albums, dont les plus connus du grand public à l’international sont Tiago Correia-Paulo ou Spoek Mathambo.
La genèse de tout ce mélange provient des chants qu’il chantait à l’église étant plus jeune, et du maskandi, autrement appelé le blues zoulou, une musique de chanteurs solitaires et nomades - pour ne pas dire migrants - qui s’est répandue au début du 20è siècle en Afrique australe.
Ajoutez à cela une voix plaintive et haut perchée, dégageant des émotions qui vous emmèneront tout droit vers un pays imaginaire, et avec un peu de chance, comme moi, vous succomberez, à la fois apaisés et bouleversés. Envoûtés, hésitants à partager votre trouvaille avec le monde entier ou la gardant jalousement pour vous.
Finalement, comme il traite de thèmes universels tels que l’amour et la passion amoureuse, la quête d'identité ou, plus personnels, la foi, (comme sur son album Iimini) notamment vous ne devriez pas avoir trop de mal à vous retrouver dans la musique de Bongeziwe.
Et comme il a déjà obtenu plusieurs nominations ou prix dont deux South African Music Awards (SAMA) du meilleur album alternatif, qu’il commence à pas mal tourner en Europe depuis quelques années, et qu’il s’entoure déjà des meilleurs, comme par exemple l’ingénieur du son Stephen Sedgwick nommé aux Grammy Awards (à qui on doit des collaborations avec Gorillaz, Blur, Fatoumata Diawara, Lana Del Rey, Benjamin Clementine…), le secret va vite se faire de plus en plus difficile à garder… Alors autant vous dire que quand on a appris que lui et sa petite bande passaient par Paris, on a bondi sur l’occasion pour prendre nos billets. Et nous avons passé un moment délicieux, rendu d’autant plus unique et mémorable par la proximité avec le public que la restriction à 100dB, malgré elle, imposait. Feutré, intimiste et un artiste heureux et tout en sourire.
Allez, avant de se quitter et que vous ne partiez vous frotter par vous même à l’univers de Bongeziwe, je vous laisse avec son passage à Colors. Que la magie opère…