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Quand musique et la biophonie cohabitent

écrit par Mathilde Outrebon le jeudi 5 octobre 2023

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   Quand musique et la biophonie cohabitent
 

On dit souvent que la musique adoucit les mœurs, qu’elle apaise les maux. Cela reste indubitable : « Elle donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée » soutenait Platon. A méditer donc puisqu’aujourd’hui chez Janis, on vous parle musique (encore et toujours) en ayant cette fois une approche un peu différente mais tout à fait dans l’air du temps des pouvoirs extraordinaires de l’acoustique. Retour aux sources avec une analyse du son à son état naturel, entremêlant géophonie et biophonie, les sons de la terre et des animaux. Vous allez comprendre qu’un environnement sonore nous renseigne sur un bon nombre d’évènements et permet aussi bien aux chercheurs qu’aux musiciens de créer matière pour veiller à la préservation des écosystèmes aujourd’hui menacés par l’activité humaine…

 
Quand musique et la biophonie cohabitent

Le son, il n’y rien de plus primitif que cela. Aux origines de la vie était le son : avant même la naissance, à peine âgé de six mois, le fœtus peut percevoir le son à travers le ventre de sa mère. Le silence absolu n’existe pas réellement et nous en sommes tous témoins, bien que l’écoute consciente semblerait s’estomper dans une sorte de brouillard sonore alimenté par les bruits humains. Le paysage sonore ne cesse d’évoluer si bien que nous ne prenons plus le temps d’analyser toutes les vibrations acoustiques qui nous entourent. Circulation, alarmes, claquement de porte, bruits des pas, industrie… l’homme se protège des sons parasites du quotidien qui, à une certaine fréquence, sont en effet difficilement supportables. 

Mais dans cette mélodie dissonante, la nature nous parle. Il suffit simplement de tendre l’oreille pour l’écouter. Alors qu'en est-il des espèces qui composent les écosystèmes ? À partir d’une base biophonique, c’est-à-dire tous les sons provenant de sources biologiques non humaines ; on sait à présent faire l’inventaire d’une multitude d’oiseaux, amphibiens, insectes et autres êtres vivants pour ainsi voir leur évolution au sein d’un milieu. Cette discipline, c’est ce que l’on appelle la bioacoustique. Grâce à cette science, l’éco-acoustique a également vu le jour et permet d’étendre l’écoute sur tout un biome (en ensemble d’écosystèmes).  Elle est née tout récemment et permet de faire ce lien entre étude du comportement animal et écologie. De manière générale, la bioacoustique étudie le comportement des espèces animales par le son là où l’éco-acoustique révèle la composition sonore de tous milieux confondus. Pour vous y retrouver, voici petit schéma explicatif des sons qui composent un soundscape (paysage sonore).

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L’écologie acoustique, comme on l’appelle également, se démocratise dans les années 60 (plutôt avant-gardiste) grâce aux travaux de Bernie Krause qui répertorie plus de 15 000 sons animaux sur près de 4 500 heures d’enregistrement, dans un « grand orchestre animal » comme il le désigne.  Musicien de renommée aux États-Unis, il a entre autres collaboré avec les Doors et participé à la composition de bandes sons de films emblématiques comme Apocalypse Now. Mais son génie ne s’arrête pas là. Nous le savons, la vue est le sens le plus développé chez l’homme d’où la nécessité de représenter visuellement le son pour l’analyser et en comprendre les composantes. Bernie Krause a ainsi développé le spectrogramme comme outil de représentation de la richesse d’un milieu sonore à partir du chant des espèces. Cela s’est avéré plutôt concluant mais surtout inquiétant : on remarque un appauvrissement considérable du nombre d’individus au sein des écosystèmes. Près de 70 % des archives sonores proviennent d’espèces qui ont disparu à ce jour…

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Bernie Krause et son spectrogramme

Si le son est révélateur de vie sur Terre, il peut aussi brouiller et perturber les communications entre les espèces. L’éco-acousticien Jérôme Sueur (qui vient d’ailleurs d’écrire un chouette bouquin :  « Histoire naturelle du silence » aux éditions Actes Sud pour les plus curieux) affirme que « L’anthropophonie, autrement dit les sons produits par l’homme, est aujourd’hui en train de donner le coup de grâce au silence naturel ». Ce n’est pas anodin, l’homme dérange et met en péril le bien-être animal à cause de ses activités. On parle alors de pollution sonore, ces sons délétères qui empêchent les interactions essentielles à la survie des êtres vivants (prédation, reproduction, cris d’alerte…)  et réduit drastiquement leur nombre. Pour lutter contre ce phénomène, des scientifiques ont installé des balises/ enregistreurs automatiques dans plusieurs zones forestières pour enregistrer le son sans qu’il ne soit perturbé par l’homme. « Nous sommes un peu les espions des forêts et autres milieux naturels » confie Jérôme Sueur. Le spectre des différentes espèces est ensuite retranscrit via des spectrogrammes qui permettent un suivi sur plusieurs années des sons de l’écosystème étudié. Comme ressource essentielle on a par exemple la rousserole verderolle, un petit oiseau des marais capable d’imiter une trentaine de chants différents ! Elle n’est pas menacée mais pourrait le devenir.

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Quand musique et la biophonie cohabitent

Paradoxalement, on remarque que les outils technologiques qui tentent de reproduire les sons naturels fleurissent. On ne compte plus le nombre de playlists et vidéos qui dépassent les milliers voire millions de vues recomposant un univers bucolique : chants d’oiseaux pour s’endormir, eau qui ruisselle pour étudier ou encore je cite « le son de la paix intérieure ». La sonothérapie fait son business, et ce, surtout depuis le confinement. Plus besoin de prendre l’air ou d’aller faire une promenade en forêt lorsque l’on sait que l’on peut se reconnecter aux éléments depuis chez soi. Quoi qu’il en soit, les effets sur le corps et l’esprit sont indéniables : réduction du stress, meilleures capacités cognitives, moins de tensions ; ce n’est pas déplaisant. Mais à vouloir tout digitaliser, nous avons tendance à oublier  l’existence de ces bruits dans notre environnement naturel. Ils nous entourent et sont témoins de vie sur Terre. Il y a donc un grand enjeu de préservation du son… 

Alors quels liens avec la musique me direz-vous ? Après toute une partie analytique du son dans son authenticité, parlons de différents projets musicaux engagés. Je vous fais tout d’abord découvrir, un tout grand mélomane qui vous évoquera peut-être quelque chose : Olivier Messiaen. Compositeur, mais aussi ornithologue, c’est ainsi qu’il se définissait. Dès son plus jeune âge, il écoute les oiseaux les observe, les note, les retranscrit dans sa musique et sont pour lui une grande source d’inspiration. Il développe ainsi un langage musical tout à fait singulier et compose entre 1956 et 1958 «  Catalogue d’oiseaux », un recueil de pièces pour piano inspiré par une multitude de gazouillis de différentes régions. Olivier Messiaen nous propose un magnifique voyage au cœur de la nature avec le loriot de Charente, Le merle bleu, le chocard des Alpes ou encore la chouette hulotte mais aussi tout plein d’espèces exotiques. On retrouve pas moins de 46 espèces d’oiseaux du monde ! Cela donne parfois des accords un peu discordants, plutôt original.

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Tout autre registre, vous serez surpris de savoir que l’électro milite également pour la protection des espèces menacées d’extinction ! « A Guide to the Birdsongs » c’est l’œuvre du label Shika Shika, créé par un ancien militant du groupe Greenpeace. Il a fait le pari fou de faire converger musique synthétique, chants d’oiseaux de diverses régions du monde et différents artistes les représentant par  leur culture musicale ! Il y a plusieurs opus :  Afrique de l’Ouest, Amérique du Sud et le dernier en date sur les oiseaux d’Amérique Centrale et Caraïbes : bref un beau cocktail exotique. Bien sûr, ce sont des artistes locaux et plutôt reconnus qui interviennent sur les morceaux ; artistes qui ont souvent une grande proximité avec leur environnement naturel. Pour la composition musicale, c'est assez simple : de la musique traditionnelle propre à chaque pays ayant participé au projet avec différentes influences, puis en fond sonore des oiseaux samplés. C’est un univers très coloré et qui promeut de belles valeurs d’autant plus que tous les bénéfices des ventes ont été et continuent d’être reversés à des organismes locaux qui veillent à la protection des écosystèmes en privilégiant l’écotourisme, la sensibilisation ou encore le sauvetage.  Alors petit écogeste tout simple : allez streamer «  A Guide to the Birdsongs » les morceaux sont super funs ! Il y en a un qui devrait attiser votre curiosité justement : c’est Cucarachero de Niceforo, un volatile devenu rare en Colombie.

Et pour finir en beauté, on vous fait découvrir une radio assez particulière loin des plateformes d’usage quotidien un peu trop mainstream dirait-on aujourd’hui. Faites connaissance avec Phaune Radio (le jeu de mot fait sourire), « une bestiole aussi curieuse qu’indomptable qui émet des sons étranges 24h/24 » voici comment elle est présentée. Le concept est plutôt sympa : une diffusion aléatoire qui mixe sons de la nature, musique un peu wtf qui se démarque du tout-venant, du surnaturel parfois, des artistes émergents …  Le son y est mis à nu, c’est très éclectique et on est complètement fan ! Une belle manière de célébrer la biophonie sous toutes ses formes. Alors soyons curieux ; écoutons le monde apprécions le silence pur, le son du silence comme en témoigne cette si jolie chanson de Simon and Garfunkel.

Mathilde Outrebon
écrit le jeudi 5 octobre 2023 par

Mathilde Outrebon

Rédactrice pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le jeudi 5 octobre 2023

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