Le jour où Patti Smith a rejoint une société secrète
New York, 1969 : Patti Smith monte sur scène pour la première fois. Armée de ses simples poèmes, elle intervient en première partie de groupes undergrounds au CBGB. La côte du club monte rapidement, elle tisse de forts liens musicaux avec les différents artistes, l'histoire de la future icône punk est en marche.
Très vite, son public s’élargit, elle profite de son influence pour véhiculer un message pacifiste et spirituel. De la guerre en Irak qu’elle condamne, aux dictats de la mode qu’elle refuse, Patti Smith est un modèle d'humanisme. À l'instar du punk, elle reflète une idéologie contestataire et s’acharne à déconstruire les codes dans une prose largement inspirée par Rimbaud. Ses morceaux, elle les rédige comme des poèmes dans lesquels ses luttes ressurgissent. "1959" notamment marque sa position politique sur l'invasion du Tibet par la Chine ou plus largement, le célèbre People have the power qui dans un élan fédérateur invoque la force d'un peuple pour approcher un idéal. De ses engagements et sa dévotion à l’art naît une histoire surprenante. Un soir, Patti reçoit une lettre inattendue. Une invitation.
Un cercle confidentiel de météorologues se réunit chaque année dans des lieux tenus secrets : Le « Continental Drift Club ». La société est dédiée à la mémoire d'Alfred Wegener, explorateur et père de la théorie sur la dérive des continents. Secrètement donc, les 27 membres œuvrent contre le réchauffement climatique. L'insistance de Patti pour photographier les bottes du défunt Wegener les interpelle. Bien vite, le petit groupe se trouve séduit par le lyrisme dont elle fait preuve dans ses correspondances.
C’est en 2005 qu’elle reçoit de leur part une invitation. À sa grande surprise Patti est conviée à la prochaine réunion annuelle du club dont elle ignorait jusqu’alors l’existence. Celle-ci sera un succès et dès l’année suivante, elle en devient membre officiel. Perdue au milieu de pointures scientifiques, elle apporte à sa manière, sa pierre à l'édifice et prononce un discours empreint de poésie.
Puis elle renfile pour une nouvelle réunion en 2007. Audacieuse, elle maîtrise l’art de provoquer les occasions loufoques : Cette fois, elle chantera du Buddy Holly à Reykjavík en compagnie du champion d’échecs Bobby Fischer.
Mais l’histoire s’achève un peu vite. Peu de temps après, le CDC sera dissout. Patti reçoit l'ordre énigmatique de détruire tout élément qui en évoquerait l'existence. « J'ai descendu une boîte d’archives grise de l’étagère du haut de mon placard et j’en ai étalé le contenu sur le lit (…) j’ai préparé un petit feu et regardé tout ça brûler. (…) j’ai jeté les serviettes froissées dans les flammes, et chacune s’est recroquevillée comme un poing, se rouvrant lentement comme les pétales de petites roses cent-feuilles. » De cette aventure idéaliste, il ne reste que son témoignage qu’elle nous offre dans son essai M.Train paru en 2015.