Grönemeyer, l'âme germanique... Et plus si affinités !
Et si pour une fois, on se mettait à l'heure allemande ? Si je vous disais qu'il existe chez nos voisins Germains un type qui depuis 40 ans squatte par deux fois le top 5 des albums les plus vendus d'Allemagne (4630 Bochum, 2,75 millions d'exemplaires, sorti en 1984, et Mensch, 3,15 millions qui a fêté ses 20 ans l'année dernière) et peut se targuer de rester tranquillou dans les charts jusqu'à 95 semaines d'affilée (prends ça Michael Jackson) ?! Pour vous accompagner, je vous propose de commencer l'histoire sous forme de devinettes :
- Depuis 1984, soit depuis mon 5ᵉ album, je suis à chaque fois certifié a minima disque d’or dans l’espace alémanique (soit, pour ceux qui ne suivraient pas, la zone Allemagne-Suisse-Autriche), où j’y reste en top des ventes pendant plusieurs semaines, voire mois ;
- J'ai reçu de nombreux prix tout au long de ma longue carrière, qui n’est d'ailleurs pas terminée puisque je viens de sortir mon 16ᵉ album studio (sans compter les compils, albums live ou rééditions en anglais, BO…) ;
- Je suis Allemand, vous l’aurez compris, né à Göttingen (oui, la ville que chantait Barbara - j’avais alors 10 ans) en 1956, et avant de percer dans la musique je me dirigeais plutôt vers une carrière au théâtre ou au cinéma… je suis, je suis… Herbert Grönemeyer !
Bravo aux quelques-uns qui auront trouvé, car ils ne doivent pas être très nombreux les locuteurs non-germanophones à connaître le bonhomme. Ou bien peut-être sous les traits du Lieutenant Werner dans le film Das Boot (Le bateau en VF), de Wolfgang Petersen ? Non plus ? Les fans de U2 ou Bono peut-être ? Toujours pas ? Bon… alors, focus sur un artiste qui vaut le détour.
Né en 1956 à Göttingen, Herbert Grönemeyer grandira pourtant à Bochum, ville de la Ruhr, grand bassin urbain industriel ouest-allemand, qui marquera plus tard l’ensemble de son œuvre, à savoir : une certaine noirceur, un certain engagement social mâtiné de pessimisme et de mélancolie. Ni la profondeur de ses textes, empreints de jeux de mots, ni sa voix quelque peu nasillarde, ne l’auront empêché de devenir l’un des artistes les plus populaires dans les pays germanophones. Bien au contraire, Herbie (c’est son surnom) a su fédérer un large public autour de thèmes de société tels que… la Currywurst (pour les non-initiés, c’est de la saucisse grillée avec une sauce au curry et servie avec des frites. J’en ai déjà trouvé à 2 € en pleine nuit il y a dix ans dans un kiosque à une station de métro de Berlin si vous voulez tout savoir). Bochum, la ville de son enfance à qui il dédiera une chanson (et même un album), son premier grand succès (la chanson est même devenue l’hymne de la ville), les hommes (Männer), les amateurs de boisson avec la chanson Alkohol…
En 2006, Herbert continuera de fédérer les peuples, du monde entier cette fois, en devenant l’interprète de l’hymne de la Coupe du monde avec Amadou et Mariam : Alors, star ou pas star Herbie ?
Et ce n’était pas la première fois qu’il s’aventurait en dehors de sa zone de confort germanique, puisque 12 ans auparavant (en 1994, donc) une fois bien installé dans les charts teutons, il avait déjà réussi une prouesse d'envergure, en devenant le premier chanteur non-anglophone invité à l’émission MTV Unplugged ! Il venait alors de sortir son 8ᵉ album, Chaos.
C’est quelques années plus tard que la vie va propulser tragiquement Herbert au rang de véritable prophète en son pays : en 1998, la perte de son frère et de sa femme à quelques jours d’intervalle l’amèneront à écrire, après une longue période de deuil, son chef-d'œuvre. L'album qui reste encore aujourd’hui l’album le plus vendu de l’histoire en Allemagne (en fait seule une BO, celle de Dirty Dancing, fait légèrement mieux), Mensch, qui sortira en 2002 et dont le single éponyme est un véritable tube, que dis-je, une chanson culte : Mensch. Und es ist… es ist OK, alles auf dem Weg, es ist Sonnenzeit… Und der Mensch heißt Mensch… Ça y est, je l’ai en tête. Pas vous ?
Pour l’anecdote, sachez qu’il existe même plusieurs versions de cette chanson avec Bono (oui oui, celui de U2, avec qui il entretient une amitié de longue date), dont une en live, en marge du sommet du G7 en 2007 où Bono chante en allemand. Voici le lien pour ceux qui ne me croiraient pas :
Sur son album I Walk, sorti en 2012, où Grönemeyer reprend 10 chansons de son répertoire traduites en anglais, en plus de 3 morceaux écrits spécialement pour l’album. Là encore, c’était pour lui l’occasion de toucher un public international, puisque l’album a été suivi d’une tournée en Amérique du Nord.
Plus concrètement, pour vous situer un peu l’artiste, prenez un peu de Thiéfaine (et de Bashung dans une moindre mesure) pour la musicalité, l'écriture, les thématiques et le côté intraduisible de ses textes (et la longévité !). E puis aussi un peu de Johnny pour la popularité (et la longévité ! Le côté fanbase kitsch en moins) et vous obtenez un genre de Springsteen allemand (c’est d’ailleurs souvent la comparaison qu’on lui prête).
Bref, à l’heure où la musique allemande est davantage mise en lumière à l’international via sa scène électro ou un groupe comme Rammstein, elle compte aussi dans ses rangs un artiste pop-rock unique, engagé socialement et politiquement, et qui pèse à lui seul - à l’heure où j’écris - 18 millions d’albums vendus, décoré à plusieurs reprises d’or et de platine et autres distinctions diverses… Comment peut-on envisager qu’il en sera autrement pour Das ist los, son nouveau joyau ? La tournée qui s'annonce est d'ores et déjà un succès, les stades dans lesquels il se produira se remplissant les uns après les autres (moi j'ai pris ma place pour Francfort 🤘🏻). Alors, star ou pas star Herbie ?