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L’histoire de Crass, Punk is dead vive le Punk ! 

écrit par Felix Delamare le mardi 7 novembre 2023

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L’histoire de Crass, Punk is dead vive le Punk ! 


Au milieu des années 70, les Sex Pistols, les Clash, les Ramones et d’autres secouent une jeunesse enlisée dans une époque ralentie. L’énergie primaire du No Futur, les fringues de Sex, les Dr. Martens et les riffs font vrombir l’Angleterre dans un magnifique défoutoir. Mais ça tourne court, les Pistols bâtis de toutes pièces par Malcolm McLaren s’autodétruisent dans une guerre d’égo et d’abus. Les crêteux sont photographiés par les touristes comme la garde royale et la Dame de Fer arrive bientôt au pouvoir. 

En 1977, tout semble terminé, Punk Is Dead est placardé dans ces mêmes médias qui suivaient la montée du mouvement, horrifiés mais rassasiés par ces âmes damnées aux looks transgressifs. L’opposition seule n’est pas une réponse face au système, il l’intègre, la recrache en gros titres et y puise jusqu’à épuisement. 


L’histoire de Crass, Punk is dead vive le Punk ! 

 

Le Punk n’est pas mort, il est tapis dans l’ombre 


Steve Ignorant zone dans Londres, cheveux décolorés mains dans les poches, menton relevé. Sa fidèle veste cloutée fait ricocher le regard des curieux, décourage la plupart des badins face à l’envie d’approcher le Punk solitaire. Un coup d’œil appuyé permet de déceler une expression fugace. Entre deux quolibets passe sur son visage dur une tristesse drue. La vérité c’est que le Punk est dans un sale état, tout branlant et gentrifié il fait marrer plus qu’il n’intimide. Ça fait chier, car avec lui c’est toute l’identité du jeune rêveur qui se désagrège. Il est tombé dedans en 76 après un concert des Clash, un de ceux qui enfantent des vocations, te donnent la désagréable impression qu’au fond tu gardes ta révolte pour toi, trop timoré pour te sortir les doigts. Mais ces gars sont devenus ringards, font la une des médias pour les mauvaises raisons, en vérité ils ont assez de fric maintenant, enfin ceux qui tiennent encore debout. Mais Steve le sait, Punk is dead c’est une connerie, le vieux clébard persiste réside noué dans l’intimité de certains anarchistes, il demeure, inextricable, dans l’attente du second souffle.  

Cette conviction tripale pousse Ignorant et son pote Penny Rimbaud à l’action. Ils s’en vont reprendre la formule à la sauce country side, s’exilent dans les squats pour y scander leur colère. Loin du Roxy londonien, ils font germer les prémices d’une mauvaise graine, l’Anarcho-Punk. 

Déçus du paysage londonien dont les artères débordent de bourgeois, ils décident d’assumer pleinement leur désir de liberté. Loin de l’agitation urbaine, ils s’établissent à plein temps dans la Dial House, une ferme transformée en maison communautaire par Rimbaud. Rejoints par des poètes, des peintres, des marginaux ou des âmes errantes, ils deviennent CRASS, nom inspiré d’une chanson de David Bowie. Le collectif regroupe Steve Ignorant, Penny Rimbaud, N.A Palmer, Pete Wright, Phil Free, Gee Vaucher, Eve Libertine, Joy de Vivre et Mick Duffield. Un cocktail d’artistes du mouvement Fluxus, de musiciens et d’anarchistes aux joues rouges-vif.

L’histoire de Crass, Punk is dead vive le Punk ! 

Après une série de concerts virulents, ils produisent grâce à une connaissance leur premier album The Feeding of the 5000. On y trouve l’hymne funéraire Punk is dead ou encore Banned from the Roxy. Ce dernier relate la magnifique histoire d’un live du groupe dans le club mythique de Londres. Amputé d’un titre à sa sortie, ce projet va motiver le groupe à s’engager plus avant dans l’indépendance. 

De 1979 à 1984, les CRASS vont acquérir un statut unique, à coup de sincérité létale, ils ramènent l’intégrité dans le Punk. Touche-à-tout, ils produisent leurs albums, créent leurs artworks et imaginent un logo à l’iconographie issue d’une partouze entre l’Union Jack, le symbolisme anarchiste et le Peace and Love. Ce mélange improbable définit parfaitement le groupe, ils n’appartiennent à aucun parti, développent leurs idées, les véhiculent selon leurs modes de communication, libérés de formats préétablis. 

L’histoire de Crass, Punk is dead vive le Punk ! 

 

CRASS, Punk et combats sociaux 

 

Les CRASS vont s’attirer les foudres de l’industrie et de l’establishment mais ne céderont pas. Au contraire, ils s’arment de leur créativité pour traiter des thèmes jusqu’alors oubliés par le Punk. Dans l’album Penis Envy, Eve Libertine et Gee Vaucher chantent des textes féministes pendant que Steve Ignorant est relégué à la guitare.  Pacifistes, les CRASS se battent avec férocité pour le désarmement nucléaire et contre la guerre des Malouines. Le collectif ne se résume pas qu’à la musique, elle est un moyen d’expression boostée par divers pratiques artistiques. De tous les collages, poèmes et performances produites, ce sont les Thatchergates Tapes -montages  audios de fausses conversations entre Thatcher et Reagan- qui marquent le plus durablement les mémoires. Le scandale de leur publication attire même le regard de Scotland Yard. 

CRASS est un des groupes dont l’influence a toujours dépassé le succès commercial.  Ils sont parvenus à transcender leur musique, l’ont animé dans leurs combats, leurs poèmes, leurs peintures et pamphlets. Épuisés par 7 années de lutte acharnée pour une cause gangrénée par la soif de gloriole et de pouvoir, ils finissent par se séparer en 1984. L’héritage Anarcho-Punk est toujours présent dans les combats sociaux, tout comme leur modèle de société d’entraide. Une partie du groupe menée par Steve Ignorant s’est même récemment reformé pour des lives et tournées. CRASS dénote de la scène Punk et plus largement du courant alternatif par son engagement total. Le groupe a bel et bien tissé une partie de la partition libertaire, sur laquelle les anarchistes du 21ᵉ siècle chantent encore leurs rêves de révolte.

Felix Delamare
écrit le mardi 7 novembre 2023 par

Felix Delamare

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mardi 7 novembre 2023

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