Don Mclean : Le Peintre de la Folk
« Quand les gens me demandent ce que signifie American Pie, je leur réponds que cela signifie que je n'aurai plus jamais à travailler si je ne le veux pas. »
Don Mclean
Telle est l'une des visions qu'a Donald Mclean de son tube planétaire American Pie. Véritable trublion de la Folk américaine ayant côtoyé les grands noms du genre comme Pete Seeger, mais aussi les grands lieux comme le festival de New Port. Mclean a pourtant dû partager l'histoire de la musique avec des rivaux répondants aux noms de Neil Young, Joni Mitchell et Bob Dylan.
American Pie, l'album de 1971 qui fera la renommée du chanteur américain avec sa chanson éponyme, a soufflé ses 50 bougies en 2021. Le mythique tube rend hommage à Buddy Holly, mort dans le crash de son avion dans l'iowa, le 3 février 1959. (CF. « The Day The Music Died ») Évoquant également James Dean, elle sera reprise par Madonna en 2001 sur son album Music et sera sélectionnée en 2017 pour figurer à la bibliothèque du Congrès pour son apport culturel au patrimoine américain. Quant au manuscrit originel de la chanson, il fut vendu pour pas moins de 1.3 millions d'euros aux enchères en 2015.
Des débuts prometteurs
Don Mclean né en 1945 à New York. Il grandira bercé par les disques de Sinatra et la folk des Weaver, dont deux des membres l'épauleront dans son entrée dans la Folk. Guitariste depuis ses 16 ans et ayant pris des cours de chant, il se forgera un petit nom après la sortie de Tapestry, son premier album paru en 1970. Actif depuis la sacro-sainte année 1969, Don Mclean est de ces artistes qui pourraient être à la limite du « One Hit Wonder », ayant connu un succès fulgurant avec un single ou deux et dont on ne se souvient quasiment que pour ces derniers. Cependant, le chanteur américain a laissé comme héritage bien plus que sa simple balade épique de 8 minutes. Il eût portait l’Amérique sous bien des aspects, allant de la splendeur juvénile et nubile de ses idoles des années 50, à cette Amérique messianique dont la grandeur n'a que celle qu'elle veut bien montrer. Mclean aura su s'imposer comme un poète folk immanquable et émotif, comme avec sa reprise de Cryin de Roy Orbison, en 1980, qui signera son bref retour et deviendra numéro 1 en Angleterre et 5ᵉ au USA. Jusque dans les années 80 il enchaînera les albums ballades, accompagné de sa guitare et sa voix magique. À noter également sa reprise de Love Hurts des Everly Brothers sur son album Belivers de 1981. Montrant toujours un attachement à ses racines rock et folk, ce genre de reprises sera tout autant sa marque de fabrique que ses chants guitare-voix.
Vincent, la pièce maîtresse
à l'heure actuelle, je n'ai effectué que très peu de voyages dans ma vie, mais la chanson Vincent est l'une des rares choses qui m'a accompagné durant l'un d'eux. En 2020, je me retrouve à Amsterdam et, passage obligé, je me rends au Musée Van Gogh. C'est dans la boutique de souvenir de ce musée que je me rappelle m'émerveiller devant une boîte à musique. Reprenant la forme du lit rouge et marron du peintre néerlandais, elle jouait les premières notes de Vincent : « Starry Starry Night » reconnaissais-je ! Depuis, cet objet m'est précieux, mais comment décrire cette sensation que je ressens à chaque écoute de ce chef-d'œuvre de Don Mclean ?
Tout d'abord une sensation d’envoûtement s'en dégage, décuplée par la voix Bucklesque* et un arpège doux, maîtrisé, comme si guitariste et chanteur n'était pas un, mais deux. Une impression que je ne retrouve d'ailleurs que chez Robert Johnson. Plus insoluble sensation encore, celle d'un portrait qui se dessine, pas comme ceux que Van Gogh peindra à maintes reprises non, plutôt comme ceux d'un étranger qui exposerait sa propre vision du peintre.
*qui ressemble à celle de Jeff et Tim Buckley
Car il s'agit bien là de la genèse même de la chanson, celle d'un chanteur exprimant sa vision d'un artiste qui ne fut même pas son contemporain. Don Mclean expliquera avoir écrit la chanson sur un sac en papier à l'époque ou, fauché après la sortie de son premier album, il chantait dans des écoles pour enfants. C'est après avoir lu une biographie sur Van Gogh, écrite par Théo Van Gogh, son frère, dans lequel est évoquée la maladie de la fratrie, qu'il souhaita rendre hommage et remettre les pendules à l'heure à propos de cet artiste injustement considéré comme « fou ». Le manuscrit originel sera lui aussi vendu aux enchères en 2020 pour près de 1.5 million d'euros.
Mais Vincent est avant tout une œuvre dont la palette d'accords créée une toile merveilleuse de 3 minutes 55, qui a beaucoup à offrir dans un décor de tranquillité et de désuétude. Supportée une brise de cordes qui font écho au vent soufflant de « La Nuit Étoilée », Vincent fait partie de ces chansons enregistrées en une seule prise. Une œuvre qui sera par ailleurs la chanson préférée du rappeur Tupac, et qui sera la dernière qu'il écoutera avant de s'éteindre des suites de ses blessures par balles à l’hôpital. Il évoquera plusieurs fois cette chanson dans diverses interviews, notamment lors d'une accordée au Los Angeles Times, dans laquelle il dira que Vincent est l'une de ses sources d'inspiration pour écrire ses chansons. Finalement, ne devrait-on pas y voir en Vincent une introspection de Don Mclean lui-même ? Cet artiste fauché, incompris, dévoilant son art au seul public qui lui était offert à l'époque, inspirant les générations futures jusque dans les moments les plus malheureux ?
Passage à la postérité
Âgé aujourd'hui de 77 ans, Don Mclean est engagé dans la lutte contre les armes à feu, ayant fait parler de lui cette année après avoir annulé un concert de sa tournée consacrée aux 50 ans d'American Pie, au nom « de la liberté et des armes à feu », suite à la tuerie d'une école d'Uvalde, Texas, qui fera 22 morts dont 19 mineurs. Côté vie privée, Don Mclean fait aussi jazzer. En effet, l'artiste américain entretient une relation depuis 2016 avec la mannequin et ancienne actrice de télé-réalité Paris Dylan, 28 ans. Un amour à la Mick Jagger, qui évidement sera la cible de nombreuses critiques. Mclean sortira en tout 26 albums, sur une carrière qui s'étend sur cinq décennies, avec des disques plus intéressants que d'autres, à retenir Tapestry, son premier disque sur lequel figure le classique And I Love You So, repris plus tard par le King Elvis Presley, The Western Album (2003), Don Mclean (1972), Homless Brother (1974) et Playin' Favorites (1973), qui sont tous de très bons albums à mes yeux.
Très récemment, le vendredi 14 octobre dernier, deux jeunes militantes de l'association « Just Stop Oil » ont aspergé de soupe les très célèbres « Tournesols » de Van Gogh, au nom de l'écologie, clamant qu'une vie vaut plus que de l'art. Heureusement protégé par une vitre, l’œuvre conservée à la National Gallery de Londres est intacte. Néanmoins, étant mis au fait de cette nouvelle au moment même où je rédigeais cet article, je trouvai que ce fait divers reflétait avec ironie la vision dépeinte par Don Mclean dans ses textes : celle d'un monde en constant changement, immortalisé par certains artistes, à l'instar de Van Gogh ou de Buddy Holly, qui à tout jamais figés dans une époque déjà lointaine sont cibles de mésententes et de réappropriation politiques. De ce fait, je tire de ses chansons une unique leçon : Les immortelles images fixées sur toiles ou les chansons gravées sur vinyles ne souffriront jamais des épreuves du temps ; elles seront seulement témoins des maux des époques qu'elles traverseront. Ainsi, il en sera de même pour l’œuvre impérissable de Don Mclean.