U2, The Joshua Tree : Genèse d’un album de légende
 

Le beau temps fait son retour, la nature se réveille : voici enfin revenu le temps béni du printemps ! L’occasion pour nous de nous envoler pour les États-Unis, et plus précisément vers la Californie où furent prises les photos d’un des albums les plus connus de tous les temps : The Joshua Tree du groupe irlandais U2. Retour sur la genèse de cet album mythique, made in U.S.A.

 

Quand le sommet côtoie l’abîme 

 

À la fin des années 80, le groupe connaît son apogée : la bande à Bono est au sommet de son art. Le groupe a déjà connu d’énormes succès avec War (1983) et The Unforgettable Fire (1984), ils passent dans les shows télévisés du monde entier et ont même participé au légendaire Live Aid en 1985 avec leur prestation époustouflante là-aussi. 

Après toutes ces tournées et apparitions, le groupe décide de prendre des vacances. Tandis que The Edge participe à la création de la bande son du film Captive de Paul Mayersberg, Bono décide de partir en voyage humanitaire en Éthiopie. Il prend alors conscience de l’énorme clivage entre sa vie de rockstar et la pauvreté des habitants locaux, touchés par la famine. Il en reviendra marqué et sera une grande source d’inspiration pour The Joshua Tree. 
 

Un album engagé

 

À la fin de l’année 1985, le quatuor se retrouve et décide de plancher sur un nouvel album. Depuis le début des années 80, le groupe séjourne régulièrement quelques mois aux États-Unis. Ils choisissent donc d’adopter pour thématique l’idée du paysage américain.

The Joshua tree peut être considéré comme une ode à l’Amérique, mais aussi une critique de cette dernière et du monde Occidental en général, critique alimentée par le voyage fait par Bono cité plus haut. Il commentera à ce sujet : « Pour The Joshua Tree, j'ai eu le sentiment qu'il était temps d'écrire de véritables paroles, qui voulaient dire quelque chose, tirées de mon expérience ».

Certains titres composant l’album possèdent de vrais messages politiques, critiquant l’Amérique de Ronald Reagan : le titre Bullet the Blue sky traite par exemple du soutien des États-Unis à la dictature mise en place au Salvador à ce moment-là. Il ne faut pas oublier que cet album est sorti en plein contexte de guerre froide, le mur ne tomberait que deux ans après la sortie de l’album.

Le groupe ayant néanmoins une grande admiration pour les U.S.A, s’inspirera énormément de la culture américaine : la musique Roots, le gospel (I Still Haven’t found What I’m Looking for sonne comme une vraie prière d’église), le reggae… On peut y voir aussi de nombreuses influences de Bob Dylan, ou même des Stones (Keith Richards a fait découvrir le blues à Bono, alors en pleine phase d’écriture de l’album).

 

Wild, Wild West…

 

Remontons le temps : nous sommes en décembre 1986, l’enregistrement de l’album touche à sa fin (qui a failli rendre fou Brian Eno, l’ingénieur du son qui fût à deux doigts d’effacer la piste de Where the streets have no name tant le mixage de ce titre était complexe). Il est temps pour les Irlandais de penser aux photos qui pourraient illustrer leur petit dernier.

Évidemment, le groupe va agir en toute cohérence avec la thématique. Qui dit U.S.A dit Ouest Américain, avec l’image que l’on s’en fait tous : un désert à perte de vue, une touffe d’herbes mortes roulant emportée par le vent, et pas un chat à moins de 10 km à la ronde.

Direction le désert de Mojave, entre Los Angeles et Las Vegas. Le groupe embarque dans sa quête Anton Corbijn, photographe, et part une semaine dans le désert à prendre des photos diverses. Les journées sont longues, les températures minimales en décembre flirtent avec les 0 °C : « On est restés dans le désert pendant plusieurs jours à dormir dans des motels miteux avec Anton qui prenait des photos. Les journées ont été longues », dira Adam Clayton au sujet de ce voyage.

Dans ce désert pousse une variété d’arbre unique au monde : l’arbre de Joshua. Vous l’aurez compris, le groupe n’a donc pas choisi cet endroit au hasard ! Corbijn en repère un plus isolé, et commence à faire quelques clichés du groupe devant.

Le site où ont été prises les photos deviendra par la suite un vrai lieu de pèlerinage pour les fans de U2. Un couple de fans perdra d’ailleurs la vie en se perdant dans le désert à la recherche du fameux arbre.

Il restera debout jusqu’en 2000 ou il tombera, et sera vandalisé quelques années plus tard à la tronçonneuse par un fan un peu trop fanatique…

 

 Un chef-d'œuvre, un aboutissement

 

À sa sortie en mars 1987, The Joshua Tree sera bien (voire très bien) accueilli par la critique. Il sera considéré comme le chef-d'œuvre de U2, et confirmera sa position de groupe leader en cette fin des années 80 : il deviendra disque de platine 48 h après sa sortie au Royaume-Uni, sera classé en 27ᵉ place parmi les meilleurs albums de tous les temps selon le magazine Rolling Stone, et plus récemment (en 2020) il sera classé comme le meilleur album des années 80 devant Brothers in arms de Dire Straits. 

Cet album est un véritable hommage à la culture américaine, et de tout un pays en général, incluant autant ses forces et sa culture que faiblesses et choix discutables.

The Joshua Tree est un chef-d'œuvre aux yeux des fans, écrit sous l’ère Thatcher / Reagan, mais malheureusement d’autant plus actuel en cette époque de tensions au sein du continent européen, comme un relent de Guerre Froide…  

Espérons que malgré leurs 46 années de carrière, la bande à Bono continuera de nous régaler pendant longtemps et, pourquoi pas, nous surprendre avec l’écriture d’un nouvel album ?