Lumière sur Sparks
Connaissez-vous le groupe préféré de votre groupe préféré ? Depeche Mode, Morrissey ou même Queen se réclament de lui, j'ai aujourd'hui l'honneur de vous parler de Sparks, le groupe le plus inconnu du panthéon du rock'n'roll.
Il était une fois, en Californie, deux frères, Ron et Russell Mael, qui, comme beaucoup de jeunes gens dans les années 60, décident de former un groupe, Halfnelson. Ils ont deux atouts, Ron est virtuose des claviers, et Russell est mignon. Leur première chanson, Computer Girl (qui est d'ailleurs the first song ever à parler d'ordinateurs), et leurs démos impressionnent Todd Rundgren, légendaire musicien américain, qui produit leur premier album, éponyme. Mais on ne croit pas en Halfnelson, groupe qui « ne fera pas d'étincelles » (sparks en anglais).
Aussitôt renommés Sparks, les frangins et leurs acolytes s'envolent pour Londres, afin d'effectuer une résidence au Marquee, club mythique de la capitale anglaise, dans le cadre de la promotion de leur second album, A Woofer In Tweeter's Clothing. La première partie est un groupe alors très débutant, Queen ; Brian May racontera plus tard qu'il avait été approché pour être le guitariste de Sparks, proposition qui n'aboutira jamais, heureusement pour les deux. Freddie Mercury fut certainement assez impressionné par les compositions des frères Mael, et notamment par la façon de chanter de Russell.
À Londres, c'est l'explosion glam rock, et Ron et Russell lâchent le reste de Sparks Mk1 pour réunir une autre formation, plus anglaise. C'est dans ce cadre qu'ils accouchent de ce qui est unanimement considéré comme leur meilleur album, un des piliers du glam, Kimono My House. Lors de leur premier passage à Top Of The Pops pour y jouer This Town Ain't Big Enough For The Both Of Us, chanson-phare de l'album, en voyant la dégaine de Ron sur scène, avec sa moustache en brosse, John Lennon téléphona à Ringo Starr en lui disant « Oh mec, vas voir, il y a Hitler en train de jouer avec Marc Bolan! ». Le succès de Sparks est lancé.
S'ensuivent deux autres albums à tendance glam, notamment l'indescriptible Indiscreet réalisé avec Tony Visconti, le producteur de T-Rex et de Bowie, puis la carrière des frangins s’essouffle un peu, perdant en originalité et en mordant... jusqu'en 1979 où Ron et Russell rencontrent Giorgio Moroder, mythique personnage et précurseur du disco en Europe. Ensemble, ils élaboreront l'album du retour, N°1 In Heaven, considéré comme le premier album de synthpop jamais réalisé. Ils prennent une nouvelle direction musicale, beaucoup plus orienté vers les claviers électroniques de Ron et moins sur un groupe de rock traditionnel.
Les 80's seront jalonnées de bons albums, comme Whomp That Sucker ou Angst In My Pants, mais leur carrière s'enlise à nouveau à la fin de la décennie. Ils disparaissent des cartes en 1989 pour ne revenir qu'en 1994 avec le très techno Gratuitous Sax & Senseless Violins. Depuis, ils arpentent la scène musicale, en sortant de toujours très bons albums, comme en témoignent les excellents Lil' Beethoven de 2002, Hippopotamus de 2017 et A Steady Drip Drip Drip de 2020. Ils ont également récemment signé la BO de la comédie musicale Annette, de multiples fois césarisée cette année et ont d'ailleurs reçu celui de la meilleure musique.
Sparks, c'est une identité, c'est un style immédiatement reconnaissable. De la voix de fausset de Russell aux claviers rigolos, mais imaginatifs et aux textes mordants et ironiques de Ron, Sparks est une véritable énigme, c'est similaire à tout mais ça ne ressemble à rien. Chaque album des frangins est différent. Mention spéciale à leurs pochettes, toujours très belles et drôles. Au fond, je pense que c'est pour ça que Sparks n'est pas si connu que ça, c'est parce qu'ils sont putain d'hilarants et que donc ils ne sont pas pris au sérieux.
L'influence des frangins sur les autres, bien que souvent non avouée (coucou les Pet Shop Boys), est indubitable. C'est pour cela que Sparks est considéré à juste titre comme le groupe préféré de votre groupe préféré. Le duo se produit en concert le 19 avril au Casino de Paris. À voir, si les lascars vous intéressent, l'excellent documentaire d'Edgar Wright à leur sujet, The Sparks Brothers, sorti cette année.