Smile, l’album non paru des Beach Boys

 

Les Beach Boys, c’est le genre de groupes qui laissent un gout d’inachevé. Comme s’ils n’avaient pas atteint et exprimé tout leur potentiel. Dire qu’à un moment ils sont en compétition directe avec les Beatles, est un témoignage de la place qu’ils occupaient sur la scène musicale jusqu’en 1967. Je dis « jusqu’en », parce que ça va changer après cette date. Tu vas comprendre pourquoi. Surfin’ USA, Wouldn’t it be nice… sont autant de titres qui flaquent un sourire sur le visage, après avoir entendu les premières notes. Fais un essai, tu verras bien. 

 

Tout commence En 1965, à la sortie de l’album des Beatles : Rubber Soul. Brian Wilson tombe sous le charme de ce qui marque un tournant dans le style musical des Beatles. Ils passent de chansons légères aux refrains accrocheurs, à des textes travaillés en profondeur -Et avec une plume de génie- par le dragon à deux têtes Lennon-McCartney.

Cet album servira d’inspiration au groupe. En suivant la même tendance, Les Beach Boys sortent en 1966, leur album Pet Sounds. Véritable pépite, en décalage avec le style et les thèmes abordés par le groupe jusqu’ici. À tel point, que ce dernier album servira d’inspiration pour le « concept album » à venir, des Beatles, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, qui sortira un an plus tard. 

Il sera considéré comme un véritable Ovni à sa sortie. Affirmant la rupture de style des Beatles et leurs expérimentations psychédéliques, teintées du vert des feuilles de Marie-Jeanne. Brian Wilson vit les mêmes expériences et va tenter de s’en inspirer, pour créer leur prochain chef-d'œuvre. Autant dire que les mecs, ils vont pas manger que des champignons de Paris. (ou alors, autant dire, qu’il n’y aura pas que des champignons de paris au menu ???).

Durant l’année 1966, les membres du groupe passent de nombreuses heures dans les studios. Enregistrant des centaines d’heures de musique. Ils répètent par fragments, dans différents studios, ce qu’ils espèrent, devenir les futures pièces d’un génial puzzle. 

La particularité de faire des sessions d’enregistrements sous LSD, c’est que ça peut laisser place à l’absurde et l’improbable. Pour Brian Wilson, ce sera paranoïa totale, au menu. Il sera persuadé que les Beatles espionnent leurs séances d’enregistrements pour les devancer dans la sortie de leur album. Hormis ce léger trouble psychotique -trois fois rien-, les séances s’enchainent et les enregistrements s’empilent. Les radios anglaises, annoncent la sortie du futur album du groupe, intitulé Smile. Il se veut, véritable ode à la joie. Mais les membres du groupe ne vont pas garder le sourire longtemps… (J’étais obligé). 

Les sessions se poursuivent, dans la villa de Bel Air de Brian Wilson. Qui voit s’enchainer les visites, notamment celle de Charles Manson, pour l’enregistrement de son album musical (c’est une histoire pour un autre article.) 

Le groupe va tenter de nouvelles expériences pour obtenir des sons de plus en plus innovants. Par exemple, ils vont vider la piscine pour y enregistrer les vocaux. Ce qui donne un son un peu métallique, très notable. Mais les Élucubrations de Brian, vont être à l’origine de tensions au sein du groupe. S’enfonçant de plus en plus dans sa paranoïa, il est de plus en plus critiqué et remis en question. Cela ira même jusqu’à pousser le parolier Van Dyke Parks, à la porte. 

Le 19 mai 1967, une session d'enregistrement avec des musiciens de studio devait avoir lieu pour un des titres de Smile, I Love To Say Dada (future Cool Cool Water puis In Blue Hawaii). Elle fut finalement annulée. Ainsi prit fin l'aventure Smile, même s'il y eut quelques soubresauts de tentative d'achèvement, comme le montrent certains overdubs vocaux qui furent réalisés lieu ultérieurement, sans compter les rumeurs de sortie dans les années 70.

Les Beatles avaient le champ libre avec Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, qui sort en 1967. La guerre entre Brian Wilson et les Beatles fut perdue. Le respect musical vis-à-vis des Beach Boys prit un coup. Des concerts et festivals les retirent de leur programmation. La scène rock de 67 évolue très rapidement avec l’arrivée d'artistes comme Jimi Hendrix, The Doors… Le groupe n’est plus en phase avec les nouveaux goûts des fans. 

Pour rajouter à cette pagaille, leur maison de disque, Capitol voulait un album à remettre au plus vite. Ils enregistrent en onze jours, ce qui devint l'album Smiley Smile. Envoyé à Capitol pour pressage le 13 juillet, il sort le 14 septembre 1967. Il atteint au hit-parade américain Billboard la quarante-et-unième place. En Angleterre, l'album fut neuvième, fort du prestige des Beach Boys avec le single de la fin de l'année 1966, Good Vibrations, inclus dans l'album à la demande de Capitol, qui conservait l'espoir d'avoir des ventes importantes. L’album est considéré comme un échec commercial, en plus d’être de qualité moyenne. La courte durée de la production, ne permet pas d’obtenir un son de qualité. Les pistes donnent l’impression d’un travail bâclé, non aboutit. Les idées des membres du groupe d’intégrer un orchestre et de doubler les pistes, n’étaient pas réalisables en si peu de temps.  

Le drame de Smiley Smile fut de remplacer Smile. Ce dernier avait été très attendu et anticipé par la presse, qui attendait un monument digne de Pet Sounds. Des singles sortis en version dépouillés, sont diffusés pour faire patienter les fans, comme le single Surf’s up. Qui ne finira même pas dans l’album de consolation Smiley Smile. Autant dire que rien ne va.

Des tentatives de réenregistrements et de production de ces sessions sont entamées, mais l’esprit du groupe n’y est plus. Il faudra attendre 2005, pour que sorte un CD, sous la supervision de Brian Wilson, intitulé sobrement : Brian Wilson Presents Smile. Mais c’est surtout en 2011, que sortira l’album Smile, avec les enregistrements d’origines. 

L’album Smile, est une légende du rock. Considéré par certains aficionados, comme l’un des meilleurs albums de rock, s’il était sorti sous sa forme originale. Les morceaux Heroes and Villains et Good vibrations, sont d’excellents témoignages de ce qu’aurait pu être cet album.

Son héritage, restera d’annoncer la fin du groupe, pionnier de la Beat generation. Symbole d’une société qui évolue et se transforme. Ils ont contribué à débrousser le chemin que vont arpenter des groupes emblématiques de la fin des années 60 et début des années 70. Les mouvements pacifistes et humanistes aux États-Unis, vont surfer sur mes vagues explorées par le groupe. Sans les Beach Boys, il n’y aurait surement pas eu de Woodstock, pas de flower power. C’est suffisant pour saluer leur héritage et trace dans le paysage du rock américain.