Oasis : L'histoire derrière l'embrouille entre les frères Gallagher

On dit souvent que les conflits sont inhérents à la famille. Une quasi-condition sine qua non à la fois stéréotypée, et en partie forcément un peu vrai. Vivre ensemble peut être un combat de chaque instant entre guerre et paix. Parfois même arrive le point de rupture, alors aucune réparation ne rassemblera l’ensemble des membres qui composaient ce rouage complexe. Parmi tant d’autres, les frères Gallagher n’échappent pas à ces clichés et vérités. En dehors de sa musique, Oasis c’est plus de 12 ans de rivalité et de haine, d’amour et d’unité, de valeur fraternelle et familiale qui ne font que ressortir l’inébranlable lien de deux âmes que rien n’a en réalité jamais séparé. Avis aux conspirationnistes et aux amateurs de pop-corn, cet article vous fera faire des bonds, car cette guerre de tranchée a pour étendard un drapeau blanc. 

 

« Où t’es, papa où t’es ? » 

Liam et Noël Gallagher ont grandi sous les coups réguliers de leur père. Noël (le frère ainé) recevra plus souvent de coups, tandis que le benjamin de la fratrie (Liam) assistera aux scènes. Ce contexte durera une dizaine d’années, longues et marquantes pour les frères. L’un et l’autre choisiront des armes radicalement différentes pour faire face : le repli dans son espace-temps pour le grand et la colère et la rage pour le plus petit. 

Il est évident qu’il est difficile d’imaginer comment nous aurions réagi à leur âge dans la situation. Mais essayer de vous projeter, comment vous auriez fait ? Quelles armes, quelles défenses, quelles ressources vous aviez à 5 ans pour affronter cette force obscure que vous appelez « papa ». Vous faites comme vous pouvez, car rien d’autre n’est possible. Les deux frères ont choisi des armes opposées ; et là se trouve le premier point de rupture. Comme Shun et Ikki, un lien éternel les attache, à la frontière de l’amour et de la haine. Entre force brute et force tranquille, entre philosophie et valeur, entre pleur et cri. Ils existent l’un sans l’autre, mais ne peuvent exister l’un sans l’autre. Les frères anglais tentent de trouver une issue dans ce dédale paradoxal créé par les coups d’un « papa » et l’inaction d’une « maman ». 

Après dix ans à vivre ainsi, l’issu semble trouvé lorsqu’ils quittent avec leur mère le domicile pour vivre hors de portée des mains paternelles. Seulement voilà, l’adolescence a ses maux que les mots ignorent. S'ensuit le deuxième arque de cette histoire.

 

« Casseurs flotteurs »

Noël est renvoyé de son lycée à l'âge de quinze ans pour avoir jeté un sac de farine sur un professeur, à plusieurs reprises il vole des autoradios dans la rue. Il traine avec les gangs de hooligans Mayne Line Crew, Under-5s et Young Guvnors. Enfin, après avoir dévalisé une épicerie à treize ans, il est mis en liberté surveillée. Liam se fait exclure de son collège à l'âge de quinze ans pour bagarre et le vol régulier des vélos dans les boutiques du coin. Tandis que le plus âgé explore la drogue, l’écriture et la composition, le plus jeune explore la culture musicale et sa voix dans un premier groupe nommé The Rain avec Paul « Guigsy » McGuigan. 

Il est intéressant de voir les similarités de chemins qui semblent différents lorsqu’on s’attarde uniquement sur les caractères opposés des deux icônes d’Oasis. Finalement, la musique sera pour les adolescents le seul moyen possible de sortir définitivement d’une condition installée depuis leurs naissances. Rongés par les mêmes maux, ils se rejoignent dans les mêmes mots pour explorer ensemble des liens sous-jacents ardents. Ils mettent en musique des événements communs qui les ont unifiés dans leurs veines et dans les sons.  

Bien entendu, le groupe deviendra la légende qu’on connait aujourd’hui. Pour autant ses facettes s’opposent comme des aimants. Aussi, très souvent les étincelles explosent entre les frères sur scène (comme le mémorable fiasco du Mtv Unplugged de 1996), en studio (comme  en 1995 où Liam se présente ivre avec un groupe d’inconnu pour enregistrer le deuxième album) où à la télévision (comme en 2010 aux Brit Awards lorsque Liam reçoit pour le groupe le prix du meilleur album des 30 dernières années, il remercie l’ensemble de l’équipe sauf son frère puis donne le prix au public en partant). Tout cela ouvre un nouvel arque narratif qui perdure encore aujourd’hui. Celui d’un soap opéra dont tous et chacun avons perdu le sens initial, tout en continuant à le suivre par habitude. Car les consommateurs ont des raisons que l’industrie musicale n’ignore pas.

 

« Soap Oasis »

Le plus triste dans cette histoire, c'est qu’on perd de point de vue ce qui fait l’essence d’Oasis : sa musique ! Oui, le groupe britannique n’a pas simplement révolutionné le genre avec un style que plus personne ne pourra imiter. Le son d’Oasis a amorcé une société nouvelle dans les années 90-2000 qui perdure encore aujourd’hui. L’esprit de frères Gallagher a conduit à la même révolution que les hippies. Leur histoire traduit une musique d’humanité, de recherche de sens, d’une quête d’amour, d’une envie de briser les chaînes, de volonté de vivre quoi qu'il en soit. C’est une musique riche, contrastée, douce et forte, rock et pop, sauvage et raffinée. La pureté qu’ils ont mis dans leur art s’est infesté par l’envie des nous tous de voir continuer ce conflit dont pop-corn s’enivraient de plaisir !  

Nous avons fait perdurer une situation par l’intérêt malsain que nous portions tous (que nous portons tous encore) à un duo qui n’a jamais pu finalement exister sans les autres. Dans cette dualité une troisième personne est toujours venue pour empêcher le lien de changer. Le public que nous sommes aimons autant la musique d’Oasis que sa soap-oasis qu’elle étale depuis toujours. Mais voilà une question, si nous n’avions plus prêté attention à leur histoire de famille, aurait-elle perduré à ce point ? Aujourd’hui, le ridicule est tel qu’on se demande si leur conflit ne relève pas plus du commercial que de l’habitude. 

Une famille est un mécanisme particulier et unique à chacun. Si ce mécanisme est enrayé par des pièces qui ne s’y intègrent pas (public, journaliste, média…) il s’arrête, voire il casse. Oasis est un groupe à part en art, dans l’industrie musicale, comme dans la célébrité. L’origine de leur conflit est, comme souvent, une accumulation de coups, de blessures, d’incompréhension, de quiproquos, de fierté, de temps qui passe. Mais dans cette addition finalement très humaine s’ajoute un aspect que nous n’avons peut-être jamais envisagé : la musique. 

En effet, la musique a ses espaces que l’autre ignore. Les frères à la coupe bol ont grandi sans qu’on leur donne une place. Ils ont cherché pas à pas, note par note, chanson par chanson, album par album à construire leur monde. Seulement, même si ces frères Olsen semblent inséparables, la réalité, c'est qu’ils sont, bel et bien, les seuls habitants de leur univers respectifs. Comme des gardiens de leur propre galaxie, ils explorent en musique des mondes  à la recherche d’une maison à soi. Liam et Noël Gallagher sont des enfants que la musique à séparer pour qu’ils puissent exister en tant qu’être humain. Car le cœur a ses musiques que l’Homme ignorera toujours.