Queen, A Night at the Opera : L'histoire derrière le mythe
Impossible de rater cette fabuleuse pochette, mais le quatrième album du groupe mythique, a failli ne jamais voir le jour. A Night at the Opera célébrait hier son 46ᵉ anniversaire...
Évidemment, quand je pense à ce chef-d’œuvre de Queen, la première image que j’ai en tête, c’est la scène de la voiture dans le film presque aussi génial, Wayne’s World qui reprend le single Bohemian Rhapsody. Mais là, je commence par la fin. Si je commence depuis le début, ça ira mieux.
Au début des années 70, Queen surf sur le succès de ses trois précédents albums. Le premier album éponyme Queen ainsi que le suivant, appelé en toute originalité Queen II, laissent deviner le talent et la virtuosité des membres du groupe. Avec une carrière sur la pente ascendante, les tournées internationales s’enchaînent et les salles sont combles. On pourrait penser que tout se passe bien et que Queen vit comme un King (j’étais obligé.). Pas tout à fait, car il y a un léger problème : le groupe n’a plus un radis.
À noter que jusque-là, les membres du groupe sont sous un contrat douteux avec leur maison de disque les Studios Trident, dirigée par les frères Sheffield. Ils sont à la fois manager et maison de disque du groupe. Ce qui est assez rare pour être souligné.
En mai 1975, de retour d’une tournée pourtant triomphante, le groupe se retrouve avec une dette de 200000 £. Ça fait un joli paquet. Ce qui laisse environ 60 £ par semaine à chaque membre en guise de salaire. Le reste servant à éponger leur dette aux frères l’arnaque. Ça fait léger pour maintenir son train de vie de rockstar.
Après avoir passé quelques coups de fils, ils tombent sur John Reid, le manager d’un autre artiste au moins aussi flamboyant de l’époque : Elton John. John Reid, soutenu par une belle équipe d’avocats, va négocier la libération du groupe, contre 100000 £ et 1 % des royalties générées par le groupe sur les six prochains albums. Quand je vous dis qu’ils sont coriaces les frangins. C’est la maison EMI qui rachète la dette du groupe. (Et obtient au passage, les droits du groupe. Une affaire !).
C’est donc, fauchés comme les blés en septembre, qu’ils rentrent en studio pour enregistrer leur quatrième album. Mais libérés de ce fardeau financier, les musiciens vont retrouver la créativité qui leur faisait défaut depuis leur retour de tournée. Ils décident de ne se poser aucune limite et de poursuivre leur collaboration avec le -pas encore légendaire, mais qui a déjà ses belles lunettes rondes- , Roy Thomas Baker, à la production.
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Pour avancer rapidement, ils écrivent les paroles de leurs chansons séparément et se retrouvent pour les travailler ensemble. Le 24 août, le groupe s’isole au fin fond du Pays de Galle, aux studios Rockfield. C’est ici que Freddie Mercury va écrire et composer le futur hit Bohemian Rhapsody.
Durant cette période, toute l’attention sera dédiée à la conception de ce morceau. De l’enregistrement des ballades, puis des passages “hard-rock”. Les chants d’opéra puis les chœurs sont aussi enregistrés, une prise après l’autre. Roy Thomas Baker se retrouve avec plus de 180 voix superposées avec lesquelles il doit composer.
Après trois semaines de travail intense, le groupe retourne à Londres pour réaliser le mixage du futur tube et enregistrer de nouvelles chansons. C’est à ce moment-là que le talent de Roy Thomas Baker combiné au génie de Freddie Mercury, laisse présager un énorme succès.
Les morceaux sont enregistrés au rythme des déménagements. La première chanson de l’album : Death on Two Legs, est un cri de haine dirigé contre les anciens managers du groupe.
Tu connais forcément les légendes de groupes de rock qui ont enregistré leurs albums en une seule prise et ils ont mis en rayon une pépite ? Ici, l’histoire est... Disons, différente.
Il faudra quatre mois aux membres du groupe, un passage par six studios et une facture totale pour le coût de l’enregistrement d’environ 40000 £ pour terminer leur travail. L’album est considéré à l’époque comme le plus couteux jamais produit.
Aucune langue, même parmi les plus mauvaises n’osera jamais dire que ça ne valait pas le coup. Freddie Mercury, toujours en croisade pour son titre phare, tente de convaincre les membres du groupe et EMI de sortir Bohemian Rhapsody en premier single. Le morceau est considéré comme trop long et la peur que les radios refusent de le passer se fait ressentir. Kenny Everett, un ami de Freddie Mercury qui s’avère être animateur de radio, passe le morceau quatorze fois en deux jours malgré l’interdiction du studio. Mais devant le succès du tube, EMI autorise sa sortie en single le 31 octobre 1975, soit plus de trois semaines avant la sortie de l’album. De quoi faire frémir d’impatience, la moustache des fans.
L’album sort le 21 novembre 1975 au Royaume-Uni et le 4 décembre aux Etats-Unis. C’est la première fois qu’un album de Queen se place en première place de l’UK Albums Chart. Classement qu’il a atteint trois semaines après sa sortie.
Le groupe jouait sa dernière carte, et il faut dire que la main était bien servie. Les rentrées d’argent se font rapidement, bien que la répartition des sommes soit inégale (mais ça, c’est une autre histoire). Le groupe s’inscrit comme indétrônable au sommet de ce croisement de genres musicaux riches et éclectiques. De nombreuses rééditions ont vu le jour depuis. Installant confortablement cet album de génie au Panthéon des chefs-d’œuvre du rock.
Aujourd’hui, il est impossible pour moi d’être au volant et d’entendre Bohemian Rhapsody sans secouer ma tête dans tous les sens et d’imaginer des têtes flottantes sur fond noir.
La puissance de cet album reste sa versatilité et sa richesse. On passe d’une joyeuse balade avec You’re my best friend, à une musique biblique pleine de mythologie The Prophet’s Song. Le tout dans un plaisir sans fin. Un album à écouter toute l’année (et en voiture évidemment).