In Rainbows : le coup de poker de Radiohead
Le 10 octobre 2007, le groupe britannique Radiohead décide de mettre entre les mains de ses fans In Rainbows, leur 7ᵉ album, sous la forme d’un téléchargement libre via un site internet, avec la possibilité de faire un don (et donc de choisir un prix pour l’enregistrement). Il générera plus de recettes que leur précédent opus, Hail to the Thief (2003), et remportera en 2008 le Grammy Award du meilleur album de rock alternatif.
Après 6 albums sous la houlette du label Parlophone (division britannique d’EMI), le groupe arrive à la fin de son contrat avec la maison de disques. Les membres retournent en studio en 2005 afin de travailler sur un 7ᵉ album, en vain. Le groupe se sent oppressé et n’arrive plus à composer. Une décision est prise : ils partiront en tournée pour une année, afin de renouer avec le public, et d’essayer de nouvelles choses en live, dont certaines compositions.
Entre temps, les membres du groupe s’essaient à de nouvelles choses : Thom Yorke, le leader, se lance en solo avec un premier album, The Eraser (2006), tandis que Jonny Greenwood, guitariste, s’essaie à la composition de bandes originales.
En 2006, sans aucun label, mais avec des moyens et des idées, la bande de Thom Yorke s’installe dans un manoir abandonné, le Tottenham Court House, où réside une ambiance plutôt angoissante, voire effrayante (influençant certains morceaux), afin d’enregistrer ce qu’allait devenir un an plus tard, In Rainbows. Ils réquisitionnent pour l’occasion leur producteur préféré, Nigel Godrich.
Une fois les 10 morceaux finalisés, le groupe tente un coup de poker : publier l’album sur le web et laisser l’auditeur décider du prix qu’il souhaite payer. Et ça marche ! En seulement 2 jours, l’album comptabilise plus d’un million de téléchargements ! À l’époque, on estime en moyenne la somme versée à 1£. Avec le recul, on estime que la moitié des personnes ayant téléchargé l’enregistrement n’ont rien payé. Cependant, d’autres ont pensé que cet album valait plus qu’un prix « standard », et ont donc fait des dons plus conséquents, ce qui explique les si bonnes recettes de l’album.
À l’ère où le piratage sur internet bat son plein, Radiohead prend les devant sur un potentiel leak de l’album, en le rendant accessible à tout le monde et gérant eux même, tous les aspects possibles du fruit de leur travail.
Mais sur le plan historique, ils ne sont pas les premiers à user du web pour distribuer leur musique. En 1998, avec son single The War, Prince ouvre en quelque sorte le bal de la musique en streaming. Cependant, l’époque où Radiohead sort In Rainbows est très propice au succès digital de l’album, presque au même moment où des plateformes comme Spotify et Deezer allaient ouvrir au grand public, et créer une véritable révolution de l’industrie musicale.
Sur le plan musical, on retrouve la voix reconnaissable entre mille de Thom Yorke, dans des titres aux sonorités rappelant Kid A (2000) avec 15 Step, ainsi que d’autres plutôt mouvementés comme Bodysnatchers, Jigsaw Falling Into Place et Weird Fishes/Arpeggi. Mais Radiohead ne serait pas Radiohead sans une certaine mélancolie musicale, clairement identifiable dans Videotape et Nude.
Quelques semaines plus tard, entre le 31 décembre 2007 et le 1er janvier 2008, l’album sort au format physique, ce qui lui permet de grimper dans les charts et ainsi de confirmer son succès. Le groupe signe un contrat avec XL Recordings, et un disque bonus de 8 titres inédits est disponible dans l’édition coffret de l’album. Il existe également une session live de l’album captée en avril 2008 qui vaut le détour.
Depuis cet album, tous sont commercialisés via le label indépendant XL Recordings. En attendant le prochain…