L’histoire incroyable derrière la home-made Red Special de Brian May
Brian May est une légende de la musique, un guitariste audacieux, qui a pris part dans un des groupes les plus influents de l’histoire, Queen. Au-delà de la musique inimitable créée avec le groupe anglais, le bougre a vécu une vie riche en tant qu'astrophysicien, activiste, auteur, producteur, songwriter ... Ça en dit long sur le personnage. Mais s’il y a bien une chose qui a contribué à sa légende, c’est la Red Special, la guitare que son père et lui ont fabriqué eux-mêmes. En 1963, Brian May, alors seulement âgé de 16 ans, et son père se lancent dans ce chantier qui leur prendra près de deux ans. Et pourtant, à l’origine, cette guitare n’était qu’un brouillon. Un brouillon qui aura participé à tous les albums de Queen de 1973 à 1995, aux albums solos et performances live de Brian May. Retour sur une guitare si spéciale.
On est au début des années 1960 quand un jeune adolescent, Brian May, veut simplement une guitare électrique. Le problème, c'est que ces instruments relativement nouveaux coutent à cette époque un bras, du moins bien au-delà des moyens du budget d'une famille modeste. Mais le destin joue en la faveur du jeune Brian. Harold, son père, est ingénieur dans l’électronique. C’est lui qui a construit la radio, la télévision et même les meubles de la maison. Harold propose alors à Brian de construire une nouvelle guitare électrique à partir de zéro comme projet père-fils. La classe. C'est donc le début d'une odyssée de près de deux ans qui aboutira à la création de l'un des instruments de musique les plus célèbres au monde.
Brian est alors déjà un guitariste accompli. Il avait d'abord débuté sur le banjo-ukulele George Formby de son père, puis sur une guitare acoustique Egmond. C'est en expérimentant avec cette Egmond que Brian fait ses premiers pas dans la guitare électrique.
Peu de guitaristes peuvent aujourd’hui dire qu'ils ont personnellement construit l'instrument avec lequel ils jouent, encore plus ceux qui ont atteint le niveau hallucinant de Brian May avec Queen. Chaque aspect de sa guitare porte une touche personnelle. C’est d’ailleurs probablement ce qui a contribué à définir son style et le son si particulier qu’il avait avec le groupe.
Déjà, la Red Special a été fabriquée de manière que le feedback soit intentionnellement très facile, ce que May souhaitait après avoir vu Jeff Beck jouer et manipuler le feedback de son amplificateur de guitare d’une manière extrêmement créative. Il voulait une guitare avec laquelle il pourrait interagir, qui prendrait vie au fur et à mesure qu'il jouerait. Ça tombe bien, il allait la construire lui-même.
La Red Special tire son nom de la couleur particulière brun-rouge de la guitare. Elle a été peinte à la main et de multiples couches de vernis plastique viennent la protéger. Le revêtement de finition a été réalisé par la marque Rustins. La Red Special a également été appelée la Fireplace, car le manche a été construit à partir d'un manteau de cheminée centenaire. Elle est aussi appelée la Old Lady dû à sa fabrication à partir de pièces provenant d'une vieille maison.
Presque toutes les pièces de la Red Special originale ont été conçues et construites sur mesure. Au fil des années, diverses répliques officielles et non officielles ont été produites, ne produisant évidemment pas la magie de l’originale. Le bois du manche a été acquis auprès d'un ami de la famille May. Il a ensuite été façonné à la main. De nombreux trous dans le manche ont dû être bouchés au fil du temps avec des allumettes dû à la mauvaise qualité du matériau.
Le corps central de la Red Special a lui été créé à partir de chêne, le bois recyclé d'une vieille table. Les côtés de la guitare pouvaient être fabriqués dans un matériau plus faible puisqu'ils n'avaient pas à supporter la tension des cordes. Tout ce bois était coupé, sculpté et façonné à l'aide d'outils manuels uniquement. Le chêne et l'acajou sont des bois durs, imaginez donc le temps qu'il a fallu pour sculpter un bloc de bois et en faire quelque chose qui ressemble à un manche de guitare … Pourriez-vous en faire autant ? Pas moi.
Pour les moins avertis d’entre vous, les guitaristes de rock ont besoin d'un système de trémolo (vibrato), ce qui permet aux guitaristes de “bender” (effet net d'augmenter le pitch de la note ou des notes, selon le cas). Le problème des systèmes de trémolo est qu'ils ne reviennent pas toujours à un point neutre propre lorsque le musicien a fini de tordre les notes. Une ou plusieurs cordes sont alors désaccordées.
Jimi Hendrix pourrait en attester. On vous en avait parlé sur Janis ici. En 1967, Hendrix joue en surprise le morceau Sgt. Pepper’s Lonely Heart’s Club Band à Londres, seulement 3 jours après la sortie de l’album. Dans le public sont présents Paul McCartney et Eric Clapton. Hendrix aimait le vibrato, on le sait. À en abuser (pour notre plus grand bonheur), ses grattes s’en retrouvaient souvent désaccordées. C’est ce qu’il s’est passé ce soir-là. Hendrix aurait alors demandé l’aide d’Eric Clapton pour venir raccorder sa guitare sur scène. Je vous laisse Paul McCartney, qui a vécu la scène, vous raconter l’anecdote.
Revenons-en à nos moutons. D'ailleurs, savez-vous d'où vient cette expression ? En écrivant ces mots, je me suis posé la question. Cadeau, je vous offre ici la réponse, selon l'internaute : "C’est la comédie "La Farce du Maître Pathelin" (XVe siècle), dont l’auteur reste inconnu, qui est à l’origine de cette expression. Le héros, Pathelin trompe le marchand Guillaume pour lui acheter à bas prix un drap. Au moment de payer, Pathelin feint d’être mourant et de délirer. Guillaume se demande alors si lui-même ne délire pas et si la transaction a réellement eu lieu. Guillaume va ensuite être trompé à nouveau par le berger Thibault, qui lui vole tous ses moutons. Il décide de porter ces deux affaires devant le juge mais finit par confondre les draps et les moutons, tant et si bien que le juge, agacé, lui demande fermement de "revenir à ses moutons". Depuis, l’expression a subsisté et a conservé son sens originel".
La Red Special donc. Brian et Harold ont passé beaucoup de temps sur le système de trémolo. Ils ont utilisé le manche de la guitare en cours de fabrication pour créer un banc d'essai pour le vibrato. Ils ont dû procéder à trois essais avant de se mettre d'accord sur le design final. L'ensemble du trémolo repose sur une lame de couteau, que l’équipe père-fils ont durcie à l'aide d'un composé de cémentation sur le fourneau de la cuisine. On vous épargne tous les détails techniques, mais ce qu’ils ont réalisé était alors révolutionnaire. Brian May avait d’ailleurs dit : “ Tout le monde me disait que j'aurais dû le breveter, mais les brevets sont une plaie, et pourquoi ne pas tout partager avec le monde ?". Sympa Brian.
D'autres caractéristiques uniques de la Red Special originale seraient ses micros câblés en série ainsi que ses interrupteurs marche/arrêt dédiés pour chacun des trois micros. Encore une fois, on vous épargne des centaines de lignes ultra techniques. Parmi les divers matériaux qui constituent la Red Special, on peut mentionner par exemple une barre rétroviseur de mobylette pour le trémolo, un capuchon d'aiguille à tricoter pour mettre au bout de cette barre ou même des boutons de gazinière pour les réglages du son et de la tonalité…
La Red Special a donc été achevée en 1964. Brian a ensuite joué de la guitare dans ses groupes 1984 et Smile. C’est dans les années 70 qu’il va toucher le gros lot avec Queen. Brian May a fait fabriquer des copies de rechange de la guitare, mais son instrument principal est toujours le même que lui et son père ont construit.
Le mieux dans tout ça, en plus du fait qu’elle soit toujours utilisée par Brian May, est que la Red Special a été si bien fabriquée qu’elle n'a jamais connue de problème majeur. En 1998, elle commençait tout de même à montrer son âge, normal pour une guitare qui a fait le tour du monde et des stades. Par précaution, elle a alors été révisée par les mains magiques du luthier Greg Fryer. Peu de temps avant, entre 1996 et 1997, trois copies conformes de la Red Special ont été conçues par Fryer avec l’accord de Brian May. Le luthier Australien va jusqu'à radiographier l'originale. Il prend des mesures très précises concernant la qualité du bois afin de la reproduire au mieux grâce à un logiciel de DAO - CAO (dessin et conception assisté par ordinateur).
En 2014, pour célébrer les 50 ans de l’instrument, Brian May et l’auteur Simon Bradley on écrit un livre qui retraçait la construction et l’histoire complète de la Red Special : Brian May's Red Special: The Story of the Home-Made Guitar that Rocked Queen and the World. 57 ans plus tard, La Red Special vit aujourd’hui sa meilleure vie, toujours à proximité de son artisan …