Plight Of The Redman, ou le rock contestataire amérindien
En 1972, l’un des premiers albums pour la défense des Amérindiens voit le jour aux États-Unis. Petite histoire sur le groupe qui en est à l’origine, XIT.
C’est en la personne de Tom Bee que se trouvent les racines du groupe amérindien XIT. Né en 1947, ce Sioux du Dakota s’investit rapidement dans le monde musical de Gallup et d’Albuquerque, deux villes de son état d’adoption, le Nouveau-Mexique. Dans le courant de la décennie 1960, il cofonde le label Lance Records et devient le manager de Lincoln Street Exit.
Lincoln Street Exit va être très actif dans la région d’Albuquerque, et ce durant toute la seconde moitié des années 1960. Dans un premier temps, cette formation joue principalement des reprises de blues rock/psychédélique : The Doors, Grateful Dead, The Jimi Hendrix Experience, Jefferson Airplane, Vanille Fudge… Mais, peu à peu, elle se crée ses propres compositions originales. Grâce au soutien indéfectible de Tom Bee, Lincoln Street Exit enregistre son unique album, Drive It!, en 1970. À cette époque, le groupe est composé de R. C. Gariss (guitariste), Lee Herrera (batteur), Lee Herres (percussionniste), Michael Martinez (chanteur, guitariste) et Mac Suazo (bassiste).
L’album peut être considéré comme un avant-goût de la musique contestataire de XIT. Les sonorités se rapprochent des influences amérindiennes grâce à Lee Herrera et Mac Suazo, deux descendants Pueblos, ainsi que R. C. Gariss, un Cherokee. Les thèmes des compositions traitent notamment de la guerre du Vietnam.
À l’aube des années 1970, des changements majeurs au sein du Lincoln Street Exit mettent un terme à cette courte épopée. Le groupe se transforme dorénavant en un quintet constitué de Tom Bee, R. C. Gariss, Lee Herrera, Michael Martinez et Mac Suazo. Sa musique intègre davantage les racines amérindiennes de ses musiciens, qui, eux, n’hésitent pas à introduire de nouveaux instruments afin d’accentuer cette redirection. Le Lincoln Street Exit se rebaptise XIT (prononcé « exit »). Tout en gardant une racine de l’ancien groupe, XIT est l’acronyme de « Crossing of Indian Tribes ».
Il ne manque plus qu’un nouveau contrat pour faire décoller cette jeune formation. Et Tom Bee possède déjà de nombreux contacts dans le monde musical. Au début de cette nouvelle décennie, ce compositeur talentueux vend plusieurs de ses morceaux à la Motown, dont Roll It Over et (We’ve Got) Blues Skies, enregistrés respectivement par Michael Edward Campbell et les Jackson 5.
La Motown décide donc de signer cette nouvelle formation prometteuse sous son label Rare Earth, destiné spécialement aux artistes qui ne sont pas Africains-Américains. Et, en 1972, XIT sort l’un des premiers concept-album amérindien, Plight Of The Redman.
Ce premier album conte, en anglais et en navajo, l’histoire des Amérindiens, depuis leur existence paisible en communion avec la nature jusqu’à l’arrivée des Européens et leur conquête des territoires. Tom Bee, principal parolier de la formation, n’hésite pas à dépeindre la souffrance que ses ancêtres ont pu ressentir : « Ils [les Européens] nous ont montré le goût du péché / Et nous ont apporté tellement de honte / Nous savions que notre culture était détruite / Lorsqu’ils nous ont forcés à vivre différemment / Et nous placer dans des réserves pour disparaitre ».
La musique de XIT n’est que très peu appréciée par les autorités qui ne voient pas spécialement d’un bon œil cette critique acerbe de la société américaine. Néanmoins, malgré cette hostilité qui n’est pas pour promouvoir son travail, le groupe se retrouve rapidement associé à tout un mouvement de défense et de considération des Amérindiens, représenté notamment par le Red Power Movement.
C’est ainsi que l’un des premiers albums contestataires amérindiens voit le jour dans le courant des années 1970. La suite de l’histoire de XIT est relativement courte : En 1973, le groupe sort un deuxième album, Silent Warrior, qui défend toujours autant la culture amérindienne, pour cesser de faire parler de lui par la suite. Tom Bee ne quitte cependant pas le monde musical. À l’aube des années 1990, il fonde son propre label discographique, Sound Of America Records (SOAR), avec lequel il a publié plusieurs centaines d’albums d’horizons divers.