Le jour où Paul McCartney a été incarcéré au Japon pour détention de cannabis
Le 16 janvier 1980, Paul McCartney est incarcéré à Tokyo après que la douane a découvert 219 g de marijuana dans ses bagages. Une affaire rocambolesque qui précipitera la dissolution de son dernier groupe, les Wings, et lancera sa carrière en solo.
En ce début d’année 1980, Paul McCartney n’a pas trop le moral. Son groupe Wings, qu’il forme en 1971 autour de sa femme Linda et du guitariste Denny Laine, vient de sortir un septième album qui ne suscite pas l’enthousiasme. Le très rock Back To The Egg rencontre un accueil mitigé alors que l’Angleterre plonge doucement vers une New Wave moins rugueuse. L’album compte pourtant quelques très bons morceaux comme Old Siam, Sir ou l’épique Rockestra Theme, pour lequel McCartney a convié une vingtaine de musiciens dont Pete Townshend des Who et David Gilmour de Pink Floyd.
Après une tournée de promotion en Angleterre, les Wings regardent vers le Japon où onze dates les attendent. Mais Paul McCartney, qui estime que le groupe n’a pas assez répété, a un mauvais pressentiment… Bingo. Le 16 janvier 1980, la tournée s’arrête avant même d’avoir commencé. Arrivé à l’aéroport Narita de Tokyo, Paul McCartney est fouillé par un agent de la douane qui retrouve dans sa valise un sac de 219 grammes de marijuana. Des quantités bien supérieures aux besoins d’une consommation personnelle, estiment les policiers.
Macca est immédiatement menotté et conduit au bureau des stup’. Après une nuit au poste et un interrogatoire où Paul se montre conciliant, il est décidé que l’ancien Beatles sera incarcéré en attendant que la justice décide de son sort. Dehors, la foule de fans et de journalistes est telle que la police anti-émeute doit intervenir pour sécuriser le trajet de Paul jusqu’à la prison de Kosuge. Des scènes d’effervescence qui n’ont rien à envier à la Beatlemania des années 60. À son arrivée au centre de détention, l’artiste est tout de suite ramené à la réalité : il risque sept ans de travaux forcés pour détention de drogue.
Pendant que McCartney fait connaissance avec le système judiciaire japonais, les onze dates de la tournée sont annulées. Plus de cent mille billets doivent être remboursés et Udo Artists, le promoteur de la tournée, réclame plusieurs millions de dollars de réparation. Dans le pays, le groupe est mis au ban. Interdiction stricte pour les radios nippones de jouer l’un de leurs morceaux.
Dans sa geôle, Paul McCartney n’est plus que le prisonnier n°22. Levé à 6 h du matin, il répond à l’appel comme tous les autres en criant « Hai ! » lorsqu’il entend son numéro. Le chanteur doit ensuite nettoyer sa cellule avant de prendre son petit-déjeuner. Au menu, une soupe à l’oignon et aux algues. Pour le déjeuner, c’est soupe de soja avec du pain et pour le dîner, un bol de riz et une pomme en dessert.
Au fil des jours, les conditions de détention s’assouplissent et Paul peut revoir Linda qui lui apporte des sandwiches végé et de la lecture. Sa bague de fiançailles confisquée, il s’en fabrique une avec… un trombone. Paul commence à s’habituer à sa vie de bagnard et noue même quelques liens avec les codétenus. Si bien que quand on lui propose de prendre son bain à l’écart, McCartney refuse, préférant rejoindre ses compagnons d’infortune dans la douche commune. Privé de sa guitare, Paul chante quand même quelques chansons a capella pour le plaisir des autres prisonniers (quand un Yakuza te demande de chanter Yesterday, tu chantes Yesterday).
Au bout du neuvième jour, les autorités finissent par libérer leur prestigieux détenu, plus par souci d’éviter l’incident diplomatique que par charité. McCartney peut enfin retrouver sa femme et ses quatre enfants. Les autres membres du groupe, Denny Laine, Steve Holly et Laurence Juber étaient partis au bout du cinquième jour, un poil agacés que leur meneur ait gâché une tournée qu’ils attendaient depuis longtemps.
Expulsé manu militari du Japon, Paul se retire dans sa maison du Sussex où il enregistre une courte interview à destination des télévisions japonaises pour s’excuser. Paul y remercie ses geôliers pour leur bon traitement et passe le bonjour à ses potes de détention Saitsu et Fujimoto. Il dévoile aussi le contenu de ses échanges avec les autres prisonniers, un peu limités par la barrière de la langue : « Je leur criais "Toyota ! ", ils me répondaient "Johnnie Walker !" » (célèbre marque de whisky écossais)
Les liens se distendent peu à peu avec les autres membres des Wings. Denny Laine trépigne de remonter sur scène, quand Paul se concentre sur l’enregistrement de son deuxième album en solo. La sortie de McCartney II en mai 1980 – dix ans après McCartney, enregistré après la séparation des Beatles – marque de facto la fin du groupe. Après quelques répétitions sans lendemain, il faudra attendre avril 1981 et le départ de Denny Laine pour que le groupe soit officiellement dissous.
En bon militant de la dépénalisation, McCartney se savait pourtant attendu au tournant à son arrivée au Japon, pays qui ne plaisante pas avec la marie-jeanne. Les autorités lui avaient d’ailleurs refusé un visa cinq ans auparavant justement à cause d’affaires similaires. Lui et Linda ont en effet déjà été arrêtés en possession de stupéfiants en Suède en 1972, à Los Angeles en 1975 et se sont fait prendre en train d’en faire pousser dans leur ferme écossaise en 1973…
Depuis l’incident, Paul McCartney est resté très flou sur les circonstances qui ont amené ce sac de drogue à se retrouver dans ses bagages, « même pas caché » selon l’artiste. Vous avez dit acte manqué ? Pas besoin de s’appeler Sigmund Freud pour comprendre que si McCartney a été arrêté, c’est peut-être parce qu’il l’avait voulu. Paul arrivait en fin de cycle avec les Wings. Après tout de même sept albums, il s’était lassé d’une vie de groupe qui ne le satisfaisait plus et des critiques qui ne jugeaient son œuvre qu’au prisme de celle des Beatles. L’arrestation était l’occasion rêvée pour mettre un terme à l’aventure et se lancer pour de bon dans une carrière en solo qui lui a plutôt bien réussi.
Son petit séjour derrière les barreaux ne l’a en tout cas pas dissuadé de retoucher à la marijuana. Quatre ans plus tard, Paul et Linda étaient une nouvelle (et dernière) fois pris la main dans le sac d’herbe, cette fois-ci pendant des vacances à la Barbade. Qui a dit que McCartney était le gentil des Beatles ?